Origine et histoire de l'Entrepôt Lainé
L'Ancien Entrepôt, dit Entrepôt Lainé, est un vaste bâtiment trapézoïdal dont toutes les façades extérieures sont identiques, sauf l'entrée orientale qui présente trois grandes arcades plein cintre ouvrant sur un porche voûté d'arêtes. Chaque étage est rythmé, sur le même axe, par des baies en arc plein cintre en briques, et l'ensemble est couronné par une forte corniche ; la façade est, elle, entièrement en pierre de taille et percée d'ouvertures rectangulaires. Le porche est structuré par des compartiments voûtés d'arêtes renforcés par des arcs doubleaux qui retombent sur des pilastres engagés. À l'entrée s'ouvre un vaste magasin central non voûté dont la toiture repose sur de grands arcs diaphragmes ; cette salle est divisée en son centre par une série d'arcs plein cintre et entourée, dès la naissance des grands arcs, d'un plancher destiné à l'entreposage des marchandises. Plusieurs compartiments voûtés d'arêtes bordent cette salle ; plus à l'extérieur, des poutres renforcées par des moises supportent un second étage non voûté également divisé par des arcs. Les différents niveaux sont desservis par des escaliers situés au fond de la grande salle, la terrasse se trouvant au niveau du second étage, et une entrée sur le cours Xavier Arnozan permet d'accéder à des bureaux par un escalier à vis de Saint‑Gilles à voûte annulaire. Le bâtiment abrite aujourd'hui le CAPC, musée d'art contemporain de Bordeaux, ainsi que l'association Arc en rêve, centre d'architecture.
Initialement nommé Entrepôt réel des denrées coloniales, il a été construit entre 1822 et 1824 par l'architecte Claude Deschamps pour le stockage sous douane des marchandises en provenance des plantations coloniales, avant leur réexpédition à travers l'Europe. Jusqu'à l'abolition définitive de l'esclavage en 1848, ces denrées provenaient en grande partie du travail des esclaves. L'édifice, situé entre les rues Foy, Ferrère et le cours Xavier Arnozan à Bordeaux, doit son nom à la place Lainé, qui honore depuis 1818 le vicomte Joseph Louis Joachim Lainé, ayant contribué au lancement des travaux. On parle souvent des « entrepôts Laîné » au pluriel parce qu'il existait longtemps deux bâtiments : l'annexe, dite « entrepôt Vauban », construite en 1847 par Jean Burguet, a été détruite entre 1962 et 1965 pour laisser place à la Maison du Paysan.
Après la chute du Premier Empire et la perte de Saint‑Domingue, le port de Bordeaux, engagé dans un contexte économique difficile, voit les négociants, conduits par le banquier et armateur Pierre Balguerie‑Stuttenberg, solliciter dès 1820 des installations de stockage modernes auprès des Douanes et de la Chambre de commerce. La destruction du château Trompette en 1820 a libéré l'emplacement choisi ; la Chambre de commerce achète la zone en mars 1822 et confie le chantier à Claude Deschamps le mois suivant. Placés sous la responsabilité des Douanes et de la Chambre de commerce, les entrepôts permettent aux négociants de bénéficier du régime de l'entrepôt douanier, qui suspend le paiement des droits et taxes tant que les marchandises restent stockées. Les marchandises en transit, débarquées des navires venus des colonies d'Amérique puis d'Afrique pour être réexpédiées en Europe, comprennent notamment sucre, café, cacao, coton, épices, plantes tinctoriales et oléagineux, toutes issues des plantations coloniales.
Entre l'entrepôt et les quais, la Bourse maritime, édifiée entre 1921 et 1925 à la demande de la Chambre de commerce, masque aujourd'hui la façade principale de l'entrepôt. Au XXe siècle, les deux entrepôts sont progressivement supplantés par de nouvelles installations portuaires en bord de Garonne et sont définitivement fermés dans les années 1960 ; l'annexe de la rue Vauban est alors détruite. L'édifice principal échappe à la démolition grâce à une campagne menée notamment par Anne Claverie et Nicole Schÿler, soutenues par le maire Jacques Chaban‑Delmas ; la ville acquiert le bâtiment et il est inscrit dans sa totalité au titre des Monuments historiques par un arrêté du 25 janvier 1973. Le Centre d'arts plastiques contemporains (CAPC) s'y installe en 1975, Arc en rêve occupe le premier étage dès 1980, et le CAPC obtient en 1984 le statut de musée municipal contrôlé. Deux campagnes de travaux conduites jusqu'en 1990 par les architectes Denis Valode et Jean Pistre ont adapté l'édifice aux nouvelles fonctions, tandis que les aménagements intérieurs ont été confiés à la designer Andrée Putman.
En 2024, à l'occasion du bicentenaire de la construction, le CAPC devait installer un espace mémoriel pour rappeler le lien entre l'histoire de l'entrepôt et les crimes de l'esclavage, une proposition formulée par Karfa Diallo et soutenue par Sandra Patron et Baptiste Maurin. Sur le plan architectural, Deschamps s'est inspiré de la basilique romaine et du marché couvert oriental ; élevé sur trois niveaux, l'édifice associe pierre calcaire de Bourg, briques d'argile et bois de récupération (pin d'Oregon), s'inspirant extérieurement de l'appareil gallo‑romain du Palais Gallien. L'organisation interne, sobre et rigoureuse, articule une double nef centrale, une succession de piliers et d'arcs en plein cintre, et s'accompagne de terrasses et d'une petite cour latérale couverte par une verrière.