Origine et histoire de l'Ermitage Saint-Gerbold
L'ermitage Saint-Gerbold, situé sur la commune de Gratot dans la Manche, est un témoignage rare de la vie érémitique en Normandie. Il figure parmi les derniers ermitages bâtis encore conservés en France. Il se trouve à environ un kilomètre à l'est-nord-est du château de Gratot. La chapelle qui a précédé l'ermitage fut édifiée entre 1403 et 1418 par Philippe d'Argouges et dédiée à saint Gerbold, évêque de Bayeux au VIIe siècle. Restée propriété de la famille d'Argouges au XVIIe siècle, la chapelle fut transformée en ermitage entre 1619 et 1623. Un ermite y résida aux XVIIe et XVIIIe siècles ; il recevait des visiteurs et entretenait des liens avec le château, et un don de terre permit d'y cultiver un jardin potager. La tradition locale évoque l'existence d'un souterrain reliant l'ermitage au château distant d'un kilomètre. L'un des ermites, Gilles Dancel, mort en 1660 sous le nom de frère Gilles de Saint-Joseph, composa La Trompette de l'Union, dédiée à Louis d'Argouges. Confisqué puis vendu comme bien national à la Révolution, le bâtiment revint à la famille d'Argouges au début du XIXe siècle et servit de nouveau d'ermitage jusqu'au décès du dernier ermite en 1830. Par la suite vendu à plusieurs propriétaires, il fut délaissé et utilisé comme dépendance agricole ; déjà en ruine en 1878, il subit de nouveaux effondrements, la voûte s'écroulant vers 1947-1948. Plusieurs tentatives de restauration après la Seconde Guerre mondiale n'aboutirent pas. Grâce à l'action du dernier propriétaire et d'associations, l'édifice fut classé au titre des monuments historiques par arrêté du 12 octobre 1995. Le conseil général de la Manche acquit le site en 2000, le fit restaurer et l'ouvrit au public en 2006 ; il fait désormais partie du réseau départemental des sites et musées. Lors des travaux de restauration, la terre accumulée dans la nef fut dégagée et l'on retrouva une statue de saint Gerbold, probablement enfouie par des fidèles pour la protéger lors de la Révolution. Datée du milieu du XVe siècle, cette statue fut présentée à l'abbaye de Hambye dans l'exposition Fragments d'Histoire. Saint Gerbold, fêté le 7 décembre et invoqué pour les troubles digestifs, vécut à la fin du VIIe siècle ; son origine est incertaine, probablement le Calvados. La tradition rapporte qu'après avoir été accusé et jeté à la mer attaché à une meule, il aurait miraculeusement atteint le rivage de Ver-sur-Mer et vécu comme ermite avant de devenir évêque de Bayeux. Rejeté par la population, il aurait lancé son anneau à la rivière en défi ; lorsqu'une épidémie de dysenterie frappa la région, le rituel se conclut par la découverte de l'anneau dans un poisson et son retour à l'épiscopat, ce qui mit fin au fléau. Saint Gerbold serait mort en 695 ; des reliques sont conservées au musée Baron Gérard de Bayeux et à l'église du Petit Celland. Aucun document n'atteste sa venue à Gratot ; la dédicace de la chapelle à son nom s'explique vraisemblablement par les origines bayeusaines de la famille d'Argouges et par le caractère érémitique du site. Le site est en permanence accessible en visite libre ; des panneaux racontent la légende, l'évolution du bâti et la vie des ermites, et des visites guidées, proposées à certaines périodes comme les Journées du patrimoine, permettent de découvrir des décors polychromes et les pièces de vie de l'ermite.