Origine et histoire de la Filature
Les frères Louis et Henri Fraenckel, fabricants alsaciens originaires de Bischwiller, s'installent à Elbeuf après la guerre de 1870. Ils louent d'abord bâtiments et machines, puis font édifier en 1880-1881 une vaste usine intégrée sur l'emplacement de l'ancienne usine Théodore Chenevière, acquise en juin 1879 pour 240 000 francs. L'établissement, situé 25 rue Camille-Randoing à Elbeuf (Seine-Maritime), connaît au tournant du XXe siècle des rapprochements familiaux : les Fraenckel s'associent à la famille Blin, puis, après une rupture avec celle-ci en 1914, aux frères Herzog, dont Emile Herzog, connu plus tard sous le nom d'André Maurois. En 1918 l'implantation d'une filature et d'une teinturerie sur des communes voisines entraîne une réorganisation : l'unité d'Elbeuf est alors spécialisée dans le tissage et l'apprêt des draps de laine. La société prend la forme d'une société anonyme en 1924 ; dans les années 1920 elle possède trois sites de production et près de 2 000 ouvriers, et en 1929 l'établissement d'Elbeuf emploie 1 500 personnes. À son extension maximale, l'usine couvre 17 000 m² et se classe, après l'entreprise Blin et Blin, comme la seconde usine d'Elbeuf. L'équipement évolue fortement : en 1900 l'usine compte 300 métiers à tisser mécaniques, 8 940 broches à filer et 68 fouleuses-laveuses ; en 1930 elle dispose de 80 machines à fouler, 41 machines à tondre et calandrer, d'une dévideuse-retordeuse à 5 750 broches, de plusieurs métiers totalisant 4 440 broches et de 434 métiers à tisser. L'effectif varie sensiblement au fil du temps : 140 ouvriers en 1900, 1 500 en 1929, 400 en 1944, 250 en 1960 et 170 en 1962. L'usine subit de nombreux dommages pendant la guerre, et plusieurs ateliers sont reconstruits ; en 1948 un château d'eau est édifié et porte cette date. L'activité cesse à la fin des années 1960 ; l'ensemble connaît ensuite de nombreuses divisions et plusieurs bâtiments disparaissent. Subsistent un vaste atelier en briques bicolores à ossature métallique, orné de pilastres plats et de tirants aux initiales F‑B rappelant l'époque Fraenckel‑Blin, ainsi que la chaufferie contiguë : sur les deux groupes de trois chaudières qui équipaient l'usine, un seul subsiste aujourd'hui, provenant de l'atelier Veillet‑Lescure à Amiens et faisant l'objet d'un classement au titre des monuments historiques. L'édifice principal a été inscrit au titre des monuments historiques le 4 juillet 1994 et la chaufferie classée le 4 juillet 1995. Une partie protégée de l'usine appartient à la municipalité, qui envisage d'y établir un musée du textile ; d'autres ateliers accueillent notamment une menuiserie et les services des ASSEDIC. Un bâtiment à usage de bureau et d'atelier a été démoli après inventaire.