Origine et histoire de la Fontaine de la Croix du Trahoir
La fontaine de la Croix-du-Trahoir est une fontaine publique située au carrefour des rues de l'Arbre-Sec (à hauteur du n° 53) et Saint-Honoré (à hauteur du n° 111) dans le 1er arrondissement de Paris ; elle est inscrite au titre des monuments historiques depuis le 2 février 1925. Le bâtiment qui l'abrite, conçu par Jacques-Germain Soufflot à la fin du XVIIIe siècle — une plaque sur la façade nord porte la date de 1776 — est un édifice technique servant de répartiteur d'eau pour le Palais-Royal et pour les hôtels des ministres. Il était alimenté par la pompe de la Samaritaine, installée sur le Pont-Neuf, et les locaux ont été occupés par les fontainiers jusqu'au milieu du XXe siècle. Le bâtiment a été restauré en 1965 sur ordre du préfet Raymond Haas-Picard et, le 9 juin 1965, le général de Gaulle y a inauguré la Maison de l'Andorre, qui accueillait des bureaux touristiques et un musée consacrés à la principauté. Inoccupé entre 1995 et 2002, il a ensuite été investi par un collectif d'artistes, Le Laboratoire de la création, aujourd'hui conventionné par la ville de Paris et parrainé par Gao Xingjian. Le lieu comprend une galerie ouverte au public au rez-de-chaussée, un studio de musique au sous-sol et quatre ateliers d'artistes et de cinéastes aux étages.
La place de la Croix-du-Trahoir était, pendant plusieurs siècles, un carrefour majeur aux abords de Paris, à la croisée des grandes voies nord-sud et est-ouest. Son nom, initialement « tiroir », serait lié au fait qu'on y tirait et étendait des étoffes. La place a été le théâtre d'exécutions publiques relevant de la juridiction de Saint-Germain-l'Auxerrois jusqu'en 1698, notamment celles de faux-monnayeurs en raison de la proximité de l'atelier de frappe. Des luthériens y furent brûlés vifs le 21 janvier 1535 et le marquis de Bonnesson y fut décapité le 15 décembre 1659 ; jusqu'en 1739 on y pratiquait encore des châtiments corporels tels que la coupure des oreilles des serviteurs indélicats. La place comportait une roue de supplice et une potence, parfois confondues avec l'« arbre sec », confusion qui est une erreur car l'« arbre sec » relève de récits mythiques. Une croix ancienne, destinée à favoriser les dernières prières des condamnés, occupait le site jusqu'à sa destruction en 1789 ; son soubassement en pierre servait aussi d'étal pour des bouchers et des marchands de légumes.
L'édit de François Ier du 1er janvier 1540 ayant accru les effectifs du guet, de nouveaux postes furent créés, dont un à la croix du Tiroir. Une station de chaises à porteurs y fut installée en 1639. Le carrefour a occupé une place importante dans les événements de la Fronde : l'arrestation du conseiller Pierre Broussel y eut lieu le 26 août 1648 et donna lieu à des barricades lors de la journée du 27 août 1648. Le 14 novembre 1650, trois assassins du baron de Saint-Eglan y furent exécutés, deux semaines après l'attentat du 29 octobre 1650 contre le carrosse du duc de Beaufort.
La première fontaine de la Croix-du-Trahoir, réalisée par le sculpteur Jean Goujon à l'initiative de François Ier, date de 1529 ; elle a été reconstruite en 1606 puis déplacée de quelques mètres en 1636 pour améliorer la circulation dans la rue Saint-Honoré. Au XVIIIe siècle, Jacques-Germain Soufflot a inscrit la fontaine dans un édifice polygonal élevé à l'intersection des rues de l'Arbre-Sec et Saint-Honoré ; il confia à Louis-Simon Boizot la sculpture d'une nymphe visible depuis la rue Saint-Honoré, inspirée des figures de Jean Goujon pour la fontaine des Innocents. L'ouvrage présente un bossage en stalactites rappelant la Fontaine Médicis et l'écoulement de l'eau est assuré par un mascaron.