Origine et histoire de la fontaine des éléphants
La fontaine des Éléphants, autrefois dite colonne de Boigne et familièrement surnommée « les Quatre sans cul », se situe à Chambéry, en Savoie. Érigée entre 1835 et 1838 par le sculpteur Pierre-Victor Sappey, elle célèbre les exploits des Marathes et du comte de Boigne, décédé en 1830. La ville l’inaugure le 10 décembre 1838. Classée au titre des monuments historiques le 7 mai 1982, elle est l’un des principaux monuments de Chambéry.
L’ensemble, haut de 17,65 mètres et construit en pierre calcaire de Saint-Sulpice, combine une fontaine, une colonne et une statue. La fontaine, dont le plan reprend la croix de Savoie, comporte quatre éléphants en fonte réunis par la croupe ; leurs trompes jettent l’eau dans un bassin octogonal et chacun porte une tour de combat surmontée d’un bas‑relief ou d’une inscription. La colonne, figurée par un tronc de palmier, présente à sa base une riche ornementation de panoplies rassemblant des armes et objets persans, moghols et hindous rappelant les peuples que le général de Boigne a combattus ou gouvernés. Au sommet, la statue du comte de Boigne le représente en lieutenant‑général du royaume de Sardaigne, le manteau relevé sur l’épaule gauche, la main gauche posée sur un sabre oriental et la main droite tenant un document portant l’inscription « dons à la Ville de Chambéry ». Cette statue en bronze a été fondue à Paris dans les ateliers de Charles Crozatier ; elle pèse 750 kg et mesure 2,82 m de hauteur.
Le projet est adopté après un concours municipal qui reçoit dix‑sept propositions ; la ville choisit l’œuvre de Sappey pour son originalité et son coût. Le conseil municipal vote un crédit de 50 000 livres pour la construction et l’accord final est conclu le 6 septembre 1834. Une légende locale explique le surnom « les Quatre sans cul » par une prétendue difficulté du sculpteur à représenter l’arrière des éléphants ; cette anecdote est relatée par des contemporains de l’époque. La fontaine occupe une place centrale, au croisement de la rue de Boigne et du boulevard du Théâtre.
Sous le régime de Vichy, des projets de déboulonnage et de fonte de la statue sont étudiés dans le cadre des réquisitions de métaux non ferreux ; après des hésitations liées aux difficultés techniques, une décision de démontage est prise en avril 1944 mais n’aboutit pas en raison de la Libération. Au XXe siècle, l’édifice fait l’objet de plusieurs restaurations : une intervention en 1979 puis une campagne plus importante dans les années 1980. Constatant la difficulté de restaurer des fontes assemblées par soudure au plomb, la commune demande en 1980 l’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ; le classement est prononcé en 1982 et des travaux ont lieu entre 1984 et 1985, avec dépôt des éléphants pour réparations à la fonderie Vincent à Brignais et nettoyage sur place des plaques, trophées et de la statue.
Une restauration complète est engagée entre 2013 et 2015. Une souscription publique lancée en septembre 2012 recueille près de 125 000 euros en novembre 2014 auprès de 388 donateurs, et atteint environ 160 000 euros au retour des éléphants en juin 2015. La statue est déposée en septembre 2013 pour restauration et remise en place fin novembre 2013. Les quatre éléphants sont déposés le 17 décembre 2014 et transférés à la fonderie Vincent ; l’un d’eux est scanné et seul celui faisant face à la rue de Boigne peut être restauré sans refonte totale. Les trois autres sont démontés en parties, refondus à l’aide de moules en sable, déplombés, sablés, renforcés, assemblés, traités anticorrosion, mastiqués et repeints, la teinte retenue étant déterminée à partir du gris retrouvé dans les plis, jugé le plus proche de la couleur d’origine. Pendant leur absence, la colonne est nettoyée, les pierres abîmées consolidées ou remplacées, la fontainerie reprise, la fosse agrandie, le bassin étanchéifié, l’électricité revue, et les trophées et bas‑reliefs restaurés. Le premier éléphant retourne à son emplacement le 6 mai 2015, deux autres le 16 juin et le dernier le 1er juillet ; la fontainerie est remise en marche le 2 juillet 2015, marquant l’achèvement des travaux.
Le décor des éléphants et leur image sont devenus des symboles locaux : en 2015 le Chambéry Savoie Football adapte son blason pour y intégrer la tête d’un éléphant ; le club de hockey sur glace porte le nom des Éléphants de Chambéry depuis la saison 1991‑1992 ; l’équipe de rugby du Stade Olympique Chambérien est surnommée les éléphants et utilise un blason montrant une tête d’éléphant tenant un ballon de rugby orné de la croix de Savoie. En 2023, la fontaine a été élue la plus belle fontaine de France lors d’un concours organisé par le guide touristique Henoo.
