Origine et histoire de la Fontaine des Innocents
La Fontaine des Innocents, d'abord appelée fontaine des Nymphes, se situe dans le 1er arrondissement de Paris, sur la place Joachim-du-Bellay, dans le quartier des Halles ; elle est de style Renaissance et est classée monument historique depuis 1862. Le site est desservi par les stations de métro Les Halles et Châtelet. Une première fontaine, adossée à l'église des Saints-Innocents à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers (actuelle rue Berger), est établie vers 1260 et alimentée par une conduite apportant les eaux des sources du Pré-Saint-Gervais. En 1548, au même emplacement, Pierre Lescot conçoit une loggia décorée par Jean Goujon, composée alors d'une structure rectangulaire à trois arcades ornées de cinq naïades, de pilastres d'ordre corinthien, d'une frise et d'un attique à fronton triangulaire ; l'ensemble laissait l'eau s'écouler par de petits mascarons. Cette fontaine célébrait originellement l'entrée des souverains dans Paris au retour du sacre de Reims, dont plusieurs entrées royales sont mentionnées dans les sources. À la fin du XVIIIe siècle, la fermeture et le déplacement des cimetières entraînent la démolition de l'église des Saints-Innocents en 1785 et la transformation de l'espace en marché ; la fontaine est alors démontée et réédifiée au centre de la nouvelle place sous la direction de l'ingénieur Six et des architectes Poyet, Legrand et Molinos. Pour lui donner la forme d'un tétrapyle, une quatrième face est sculptée en 1788 par Augustin Pajou, qui réalise trois naïades pour compléter les cinq de Goujon, tandis que d'autres ornements sont confiés à Lhuillier, Mézières et Daujon ; des lions ornent les angles et le soubassement est remplacé par des bassins superposés recueillant l'eau d'une vasque en bronze placée au centre du pavillon. Les trois bas-reliefs du soubassement, menacés par l'écoulement, sont démontés et déposés au musée du Louvre, et l'édifice est coiffé d'une petite coupole en feuilles de métal imitant des écailles de poisson. Lors de l'aménagement d'un square en 1856, puis du nouvel aménagement du jardin en 1860, la fontaine est encore déplacée et recentrée sur un soubassement pyramidal à six bassins étagés sur chaque face, reposant au milieu d'un bassin circulaire ; cette transformation est réalisée par l'architecte Gabriel Davioud. La place Joachim-du-Bellay actuelle conserve, dans les grandes lignes, les dimensions du square disparu lors des réaménagements des Halles au XXe siècle. De juillet 2019 à l'achèvement des travaux, la nécessité d'une restauration était reconnue ; les travaux, estimés à 5 millions d'euros, s'appuient sur un protocole établi par un comité scientifique et ont débuté en juin 2023 pour s'achever par la remise en eau le 27 juin 2024. Asséchée depuis 2017 en raison d'un tassement inégal des fondations qui détournait majoritairement les débits vers l'ouest, la fontaine souffrait aussi de la pollution, des intempéries et de la corrosion du système hydraulique ; le local technique souterrain a été entièrement réaménagé avec la pose d'un variateur de débit et de puissance et le remplacement du traitement au chlore par une désinfection aux ultraviolets, et une nouvelle mise en lumière indirecte et chaude par LED a été installée. Les cinq nymphes de Jean Goujon ont été déposées et remplacées par des copies en résine chargée en poudre de pierre ; les originaux ont été exposés au musée Carnavalet jusqu'au 25 août 2024 et leur destination finale n'est pas encore arrêtée, elles pourraient rejoindre les bas-reliefs conservés au musée du Louvre. Sur le plan sculptural, l'œuvre de Jean Goujon associe pilastres jumelés d'ordre corinthien, arcades surmontées d'attiques et frontons et naïades voilées en bas-relief, les attiques étant ornés de scènes mythologiques liées aux sources et fontaines. Les bas-reliefs du soubassement du XVIe siècle, représentant nymphes accompagnées de Tritons et de petits génies parmi des créatures mythologiques, constituent l'un des premiers exemples de représentation mythologique dans l'espace public en France. Pajou a respecté la même ordonnance pour la quatrième face et a pris pour modèle la statue de la Paix de Goujon ; il a sculpté les bas-reliefs de la face méridionale et ceux du panneau gauche de l'arcade occidentale.
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