Origine et histoire de la Fontaine Saint-Michel
Fontaine Saint‑Michel
La fontaine Saint‑Michel, anciennement dite fontaine de Sébastopol, occupe la place Saint‑Michel dans le 6e arrondissement de Paris et s'étend sur tout un mur pignon au croisement du boulevard Saint‑Michel, de la place Saint‑André‑des‑Arts et de la rue Danton, face à la rive gauche de la Seine. Elle se situe au débouché du pont Saint‑Michel, dans un axe qui se prolonge vers le nord par le boulevard du Palais et le pont au Change, puis rejoint la rive droite par la place du Châtelet et le boulevard de Sébastopol ; lors de sa construction, ce boulevard englobait l'actuel boulevard Saint‑Michel, ce qui explique son ancien nom. Le site est desservi par la station de métro Saint‑Michel et la gare RER Saint‑Michel – Notre‑Dame.
Inscrite dans le plan d'aération d'Haussmann sous Napoléon III, la fontaine fut commandée pour marquer la nouvelle place créée au débouché du pont et pour offrir un débouché visuel à la perspective du boulevard du Palais. Une première proposition prévoyait une statue colossale de Napoléon Ier, abandonnée au profit d'un programme allégorique destiné à rappeler la chapelle Saint‑Michel en la Cité : l'archange Michel terrassant le démon, entouré de chimères ailées. Le site présentait des contraintes importantes : il se trouvait en contrebas du pont, adossé à un pignon très élevé, peu éclairé et orienté au nord. L'architecte Gabriel Davioud, assisté des inspecteurs Flament et Simonet, conçut la fontaine ; les travaux de fontainerie furent exécutés par Halo sous la direction de l'ingénieur Belgrand et la statue de Saint‑Michel fut fondue par la fonderie Thiébaut Frères. Le chantier commença en juin 1858, la fontaine fut inaugurée en 1860 et elle est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1926.
S'inspirant de la partie centrale de la fontaine dell'Acqua Felice à Rome et de la fontaine Médicis du jardin du Luxembourg, la composition évoque un arc de triomphe : une travée rythmée par des colonnes corinthiennes, une niche centrale encadrée de quatre colonnes et un fronton. L'assemblage, haut de 26 mètres et large de 15 mètres, comprend quatre statues de bronze représentant les vertus cardinales au‑dessus des colonnes. Sa polychromie vise à compenser le manque d'éclairement : marbre rouge du Languedoc pour les colonnes, marbre vert de mer pour la table du fronton, pierre bleue de Soignies pour le rocher soutenant saint Michel et calcaire jaune de Saint‑Ylie.
Huit sculpteurs participèrent à la décoration : Francisque Duret réalisa la statue de Saint‑Michel terrassant le démon dans la niche centrale ; Félix Saupin sculpta le rocher sur lequel se tient saint Michel ; Henri‑Alfred Jacquemart exécuta les deux chimères ailées crachant de l'eau en avant du bassin ; Claude Vignon signa les bas‑reliefs d'ornement et de rinceaux ; Auguste‑Hyacinthe Debay réalisa La Puissance et La Modération soutenant les armes de Paris sur le fronton supérieur ainsi que La Force parmi les vertus ; Jean‑Auguste Barre créa La Prudence, Élias Robert La Justice et Charles Gumery La Tempérance. Les chimères ailées et les rinceaux complètent l'ensemble sculpté.
La table du fronton porte l'inscription rappelant que le monument fut élevé par la ville de Paris sous le règne de Napoléon III en 1860. Sur les piédestaux des chimères, des textes ajoutés après les combats de la Libération en août 1944 rendent hommage aux soldats des Forces françaises de l'intérieur et aux habitants des Ve et VIe arrondissements qui trouvèrent la mort en combattant.
À son inauguration, la critique fut majoritairement négative : l'éclectisme et la polychromie furent jugés incohérents, la profusion d'intervenants sculpturaux affaiblissant la valeur individuelle des œuvres, et l'implantation contre un mur fut reprochée, certains regrettant qu'une statue ne fût pas placée au centre de la place. La fontaine Saint‑Michel représente la dernière grande fontaine‑mur réalisée à Paris dans la tradition renaissante, les fontaines monumentales postérieures étant davantage isolées au centre des places ou des squares. Un quatrain anonyme de l'époque refléta cette hostilité en tournant en dérision la qualité des sculptures.