Origine et histoire des Forges
Site emblématique de l'histoire industrielle du Jura, les Forges de Baudin se situent sur les communes de Sellières et de Toulouse-le-Château, au bord de la rivière La Brenne. Leur activité débute en 1794 avec le transfert du haut fourneau de Frontenay sur le site de Baudin. Exploitées de 1794 à 1959, les installations sont restées connues sous le nom de « Forges de Baudin », bien qu'il s'agisse avant tout d'une fonderie où l'on coulait la fonte en fusion dans des moules pour fabriquer divers objets. Au XVIIIe siècle, la Franche-Comté représentait 17 % de la fonte travaillée en France, et au XIXe siècle Baudin figura parmi les établissements industriels les plus importants du département, employant plus de 200 ouvriers et produisant plus de 1 500 tonnes de fonte en 1850. Longtemps négligé depuis la fin du XXe siècle, le site fait aujourd'hui l'objet d'une reconversion. Un important fonds d'archives, transmis par Mme Viviane de Labriffe, fille du dernier maître de forges, a été déposé aux archives départementales du Jura ; ces documents, dont les dates extrêmes vont de 1686 à 1961, totalisent 60 mètres linéaires et constituent le principal fonds d'archives privées du département.
L'usine resta dans la même famille, les Jobez-Monnier, tout au long de son histoire. Peu après la Révolution, un haut fourneau est établi sur l'emplacement d'un ancien moulin médiéval ; devenu bien national, le site est acquis par Claude-Joseph Morel et Claude Jobez le 12 germinal an II, puis le 18 messidor an II ils obtiennent la translation du haut fourneau de Frontenay au moulin de Baudin. En 1811, Claude Jobez devient propriétaire exclusif des Forges de Syam, de Rochejean et de Baudin, et confie l'administration de cette dernière à son gendre Marie-Étienne Monnier, mari d'Adélaïde Jobez depuis 1800. L'usine se spécialise alors dans la production de fonte moulée et connaît, vers 1828, des extensions comprenant logements ouvriers, hangar et reconstruction de la fonderie ; une machine à vapeur y est installée pour actionner les grands soufflets lorsque la rivière manque d'eau. En 1849, Baudin atteint son apogée en étant le troisième établissement industriel du département par son effectif.
Sous l'impulsion d'Edmond Monnier, une chapelle néogothique est édifiée en 1853-1854 et dotée d'un orgue de la manufacture Ducroquet, et la maison du maître des forges, dite château de Baudin, est édifiée vers 1865. À la fin des années 1860, l'usine subit une crise de la métallurgie française liée à la concurrence anglaise et cesse définitivement d'exploiter son haut fourneau ; la production se réoriente alors vers des produits manufacturés — fourneaux, cuisinières, ustensiles ménagers, éléments décoratifs comme balcons, croix et calvaires — ainsi que vers des équipements pour adductions d'eau, dont des figures comme le cygne ou les lions que l'on retrouve sur des places et fontaines du Jura. Le site développe un modèle social original : il fournit logements et jardins aux ouvriers, chauffage gratuit, soins médicaux, une école gratuite et obligatoire pour les enfants des deux sexes, une coopérative et même une monnaie locale pour les achats.
Au début du XXe siècle, la fonderie est fragilisée par la fluctuation des marchés, malgré des efforts commerciaux pour écouler la production en France et à l'étranger ; la Première Guerre mondiale stimule puis désorganise la production. Dans les années 1930, l'atelier fabrique principalement des cuisinières émaillées, des miniatures appelées « Baby Baudin », des émaux décoratifs et artistiques, dont le Chevalier Normand qui ornait la porte de la chapelle du paquebot Normandie. L'usine ferme définitivement en 1959, faute d'adaptation aux méthodes de production modernes.
Parmi les maîtres de forges, Claude-Etienne Jobez est le fondateur des forges de Baudin et a exercé des fonctions municipales et politiques locales ; Étienne Monnier, son gendre, modernise les usines de Baudin ; Edmond Monnier reprend la gestion en 1849 et promeut des idées de bien-être ouvrier inspirées du fouriérisme ; André Monnier développe la production de fonte émaillée et décorative ; Laurent Monnier tente de diversifier la production par de grandes fresques émaillées, en collaboration avec F. L. Schmied, dont une œuvre ornait la porte de la chapelle du paquebot Normandie et se trouve aujourd'hui exposée à New York.
Depuis la fin de l'activité industrielle, une partie des bâtiments menaçant ruine est rasée en 1975. Les logements ouvriers, le logement patronal, les bureaux et l'atelier de fabrication sont inscrits aux Monuments historiques en 1993, tandis que la chapelle a d'abord été inscrite en 1991 puis classée en 1993. Un musée animé par l'association Les Amis des Forges de Baudin a fonctionné, puis a été remplacé brièvement par un Musée d'Art Moderne entre 2017 et 2018. En 2022, des descendants du dernier maître de forges acquièrent le site et engagent des travaux de réhabilitation d'une partie de l'ancienne usine, créant notamment une salle de réception inaugurée lors des Journées européennes du patrimoine en septembre 2024. Lauréat départemental 2024 du Loto du Patrimoine sous l'égide de la Fondation du Patrimoine, le site bénéficiera de l'aide de la mission Bern pour poursuivre sa restauration, avec des interventions structurelles importantes sur toiture, charpente et menuiseries.