Origine et histoire du Fort Carré d'Antibes
Le Fort Carré, érigé sur la presqu’île Saint-Roch d’Antibes, domine la mer depuis un rocher haut de 26 mètres. Construit sous le règne d’Henri II dans le contexte des guerres d’Italie, il visait à surveiller et défendre la dernière ville côtière avant la frontière avec le duché de Savoie, allié à Charles-Quint. Les sources évoquent un programme de fortification débutant en 1550 ou en avril 1548, marqué par le lancement du chantier de la tour Saint-Laurent, achevée vers 1553 et incorporée une trentaine d’années plus tard au fort actuel. L’ordre de construire revient au roi ; l’ouvrage est vraisemblablement dû en partie à l’ingénieur Jean de Renaud, dit Jean de Saint-Rémy, qui est notamment associé à la grosse tour Saint-Laurent, mais la réalisation du fort bastionné entre 1565 et 1585 postdate la disparition de ce dernier. À partir de 1603, Raymond de Bonnefons puis son fils Jean mettent en œuvre une enceinte à redans et un front de terre bastionné autour du fort ; vers 1635-1640 une fausse braie avec redans et un ouvrage à corne amorcent une enceinte basse, travaux attribués à Jean de Bonnefons ou à l’ingénieur Duplessis-Besançon. Des bâtiments complémentaires sont en place autour des plates-formes des bastions dès la fin du XVIIe siècle, tandis que les projets de Vauban (1682, addition de 1700) et de Niquet (1692-1693) pour transformer le site en citadelle et compléter les défenses ne sont pas menés à terme. En 1704, Antoine de Niquet répare et surélève une partie du bâtiment annulaire et aménage une chapelle au rez-de-cour, mais de nombreux projets du XVIIIe siècle restent sans suite. Des travaux destinés à achever le front d’entrée du bas-fort sont engagés en 1793, et l’enceinte du bas-fort est finalement complétée entre 1830 et 1848 ; en 1844 débute la construction d’un grand corps de caserne casematée à deux niveaux sous la direction du chef du génie Depigny. Le rattachement de Nice à la France en 1860 met un terme aux projets d’extension. Le fort est déclassé à la fin du XIXe siècle ; en 1895 l’État cède les bâtiments à la ville tout en se réservant la totalité des terrains du fort de la presqu’île. Classé monument historique par arrêtés du 7 novembre 1906 et du 20 août 1913, puis modifié par décrets des 17 octobre 1937 et 19 octobre 1976, le classement couvre également l’enceinte extérieure dite « fort de la Presqu’île » ou « fort Reille ». En 1920, un aménagement des terrains militaires au niveau du front d’entrée entraîne la destruction des dehors, d’une partie de la courtine et du bastion 35, et l’installation d’un stade pour le Centre Régional d’Instruction Physique ; les batteries et parapets en terre de l’enceinte basse sont en grande partie déblayés ou arasés. Le Fort Carré conserve une fonction militaire intermittente : des soldats y stationnent brièvement pendant la Première Guerre mondiale et, durant l’occupation de la Seconde Guerre mondiale, il sert de centre de rassemblement des étrangers pour les Alpes-Maritimes. Affecté au ministère de la Jeunesse et des Sports à la fin des années 1960, le site accueille écoles et stages sportifs — tir, plongée, voile, gymnastique, judo, lutte — et des aménagements d’entraînement y sont installés. Entre 1979 et 1985, des bénévoles du Club du Vieux Manoir restaurent façades et toitures et ouvrent un accès permettant la visite. La ville d’Antibes acquiert le fort auprès du ministère en 1997 et l’ouvre au public en 1998. Depuis cette ouverture, le Fort Carré accueille expositions temporaires et productions culturelles, et a servi de lieu de tournage pour plusieurs films, parmi lesquels Les Quatre Sergents du Fort Carré (1951), Napoléon (1955), Jamais plus jamais (1983) et Monte-Carlo (1986).