Origine et histoire du Fort de Joux
Le château de Joux, situé sur la commune de La Cluse-et-Mijoux (Doubs) et dominant la cluse de Pontarlier, est un exemple d’architecture militaire développée en continu du Moyen Âge au XIXe siècle ; il est classé au titre des monuments historiques depuis le 18 juillet 1996. Le site se compose d’enceintes successives : donjon médiéval, enceintes médiévales et modernes, glacis et chemins couverts, revus et renforcés à plusieurs reprises, notamment par Vauban et, au XIXe siècle, par la doctrine Séré de Rivières appliquée lors des travaux menés par Joffre entre 1879 et 1881, qui ajouta des casemates de type Mougin cuirassées. L’emplacement est occupé depuis l’Antiquité : il accueillait un péage et un guet de bois sur la Rochette, mentionnés dans des sources anciennes et peut‑être identifiés au guet appelé Iors par les Séquanes. La montagne de Joux se divise en trois zones — la Rochette, la Pelouse (où se situe le fort) et le Géran — et le fort fut bâti sur la Pelouse avec des moyens d’accès et de défense reliant la Rochette au péage dans le passage étroit vers la Suisse. Les sires de Joux, famille puissante à l’origine du fief, tirèrent longtemps richesse et influence du péage, du sel, de mines et d’activités artisanales, et leur seigneurie connut de nombreux transferts et litiges, notamment avec les maisons de Blonay, de Vienne et les Hochberg, puis avec les comtes‑ducs de Bourgogne. Au cours de l’époque moderne, le château fut l’enjeu de conquêtes et de négociations diplomatiques : il passa entre différentes autorités, fut occupé par les Français au XVIIe siècle puis restitué, et après les campagnes de Louis XIV Vauban l’adapta en lui donnant un tracé bastionné, approfondissant fossés, modernisant ouvrages et casernements et creusant le grand puits. De la fin du règne de Louis XV jusqu’à la chute de Napoléon Ier, le fort servit de prison d’État ; les cellules, froides et humides, hébergèrent des détenus célèbres tels que Mirabeau, Toussaint Louverture — qui y fut placé au secret et y mourut le 7 avril 1803 — Heinrich von Kleist, ainsi que des officiers espagnols et d’autres personnalités politiques ou militaires. Les affrontements de 1813–1814 causèrent d’importants dommages et des pillages, puis des réparations furent entreprises à partir de 1827 ; au milieu du XIXe siècle la place fut à nouveau renforcée, avec la construction du fort Mahler et des aménagements modernes, tandis que Joffre transforma la cinquième enceinte et ajouta des galeries, des casemates et une batterie dès la guerre de 1870. En 1871, lors de la retraite de l’armée de l’Est, le fort de Joux et le fort Mahler contribuèrent à protéger la colonne qui se réfugia en Suisse, et la Croix‑Rouge y participa aux premiers grands secours. Au XXe siècle le fort eut un rôle essentiellement dissuasif pendant la Première Guerre mondiale, fut intégré entre les deux guerres au secteur fortifié du Jura comme plate‑forme d’artillerie, puis freina la progression allemande en juin 1940 avant d’être occupé et dépouillé par les forces allemandes. Après la Seconde Guerre mondiale l’usage militaire se réduisit ; en 1958 l’armée céda les forts à l’Office de tourisme, et le site a depuis été valorisé par des activités culturelles, festival et spectacles ; la communauté de communes a mené des opérations de restauration et d’animation, et la collection d’armes autrefois exposée au donjon a été partiellement transférée en 2015 au musée de Pontarlier. Sur le plan architectural, la partie la plus ancienne reste le donjon médiéval et le mur ouest de la troisième enceinte ; se succèdent la première enceinte, la tour en fer à cheval, le magasin à poudre et l’entrée de la troisième enceinte avec son pont‑levis, tandis que Vauban a retravaillé le glacis, le chemin couvert et les troisième et quatrième enceintes et que la seconde enceinte et la guérite datent en grande partie du XIXe siècle. Le grand puits, creusé sous l’Ancien Régime et remanié au XIXe siècle, les citernes, les fossés secs, les divers ponts‑levis, escaliers et ouvrages souterrains témoignent des réponses successives aux besoins de défense, et l’une des casemates Mougin, récemment remise en état de marche, constitue aujourd’hui un exemple rare de ces installations. Enfin, le château de Joux conserve également un riche patrimoine légendaire, avec les récits de Berthe de Joux et celui des « Dames d’Entreportes », qui participent à la mémoire locale et au rayonnement touristique du site.