Origine et histoire du Fort de Tournoux
Perché sur un éperon rocheux dominant la confluence de l'Ubaye et de l'Ubayette, le fort de Tournoux déploie ses ouvrages sur plus de 700 mètres de dénivelé. Sa vaste emprise et les prouesses techniques de sa construction en font l'un des sites fortifiés militaires parmi les plus remarquables de France. L'ensemble s'organise autour de trois ouvrages principaux — la batterie XII, le fort moyen et le fort supérieur — reliés par des galeries souterraines et des rampes ou escaliers extérieurs. Chaque ouvrage dispose d'entrées indépendantes et de nombreux bâtiments en élévation ou casematés, illustrant différents types d'architecture militaire. La construction, décidée par le général François Nicolas Benoît Haxo sous la monarchie de Juillet pour protéger la vallée contre d'éventuelles invasions venant d'Italie, a débuté en 1843 et a coûté plus de deux millions de francs-or. Le hameau de Tournoux, situé sur un plateau dominant une voie d'accès vers l'Italie, a donné son nom à la fortification située à environ deux mille mètres au sud du hameau. Dès le milieu du XIXe siècle, le fort a constitué le noyau du dispositif stratégique de la vallée de l'Ubaye. Il occupe une ligne de crête comprise entre des installations basses à 1 290 mètres et le fort supérieur, à la « Serre-de-l'Aut », à 2 008 mètres. De nombreuses parties sont creusées dans la montagne et reliées par de longues rampes et escaliers, tant troglodytiques qu'extérieurs ; certains aménagements, comme l'escalier montant de la base au fort haut, se devinent aux trous d'aération percés dans la falaise. En partie basse se trouvait la caserne Pellegrin, construite au pied de la falaise et détruite en 2008 en raison d'un risque d'effondrement. Plus près du village de La Condamine se situent un hôpital et la caserne Caron, cette dernière ayant été transformée par la Marine nationale en centre d'oxygénation et de vacances (CRSM) avant d'être désaffectée en avril 2014. Dépassé dès sa mise en service par l'apparition de l'artillerie rayée, le fort a été complété et renforcé au fil du temps par des batteries couvrant le site depuis les hauteurs, notamment la batterie des Caures, et par le fortin de Serre-de-l'Aut. À partir de 1890, il fut occupé toute l'année et servit pendant la Première Guerre mondiale de prison pour des officiers allemands. Dans les années 1880, l'accroissement de la puissance de l'artillerie conduisit à le compléter par des batteries comme Roche-la-Croix et Viraysse, qui furent intégrées dans les années 1930 au dispositif de la ligne Maginot des Alpes. En juin 1940, les ouvrages de l'amont tirèrent leurs premiers coups de feu face à l'offensive italienne et résistèrent ; le fort fut ensuite occupé par les Allemands en 1943 puis libéré en 1945. Il resta occupé par l'armée française jusqu'en 1948, puis servit de dépôt de munitions jusqu'en 1987, date à partir de laquelle il est démilitarisé. L'association ubayenne « Fortifications de l'Ubaye » a assuré son entretien et l'ouverture au public, et l'ensemble a été acquis en 1991 par la communauté de communes du pays de l'Ubaye ; fin 2009, l'État en a fait don à la communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon. Le fort est partiellement ouvert aux visites, sur inscription auprès des offices de tourisme de la vallée. La communauté de communes et la Fondation du patrimoine ont lancé une campagne de dons visant à redonner vie au site, proposant notamment un téléphérique, des événements culturels et artistiques, ainsi que des hébergements et de la restauration ; ce projet a été sélectionné par la Mission Bern. Avant l'usage du téléphone et de la radio, les communications entre les ouvrages de la ceinture fortifiée se faisaient par signaux optiques et télégraphie électrique ; le fort de Tournoux était en portée optique de batteries et ouvrages voisins tels que la batterie de Viraysse, le fort de Vallon-Clos (Claous), la batterie du plateau de Mallemort, Roche-la-Croix, les ouvrages de Saint-Ours Bas et Saint-Ours Haut, la batterie de Cuguret et le fort de Dormillouse.