Origine et histoire
Le fort Desaix, situé dans le quartier Desaix à Fort-de-France (Martinique), est un ouvrage militaire de type Vauban construit entre 1764 et 1772 sur le morne Garnier. Sa construction fut décidée après l'attaque anglaise de 1762 pour protéger le Fort Louis contre les offensives venant des terres ; Louis XV alloua 6 000 000 de livres et confia les travaux au lieutenant-colonel de Rochemore. L'ingénieur Charles-Augustin Coulomb en assura la supervision pendant huit ans, menant des essais sur la résistance des maçonneries et des murs d'escarpe, inspirés par les idées de Pieter van Musschenbroek sur le frottement. À la mort de Rochemore le 18 mai 1768, Le Bœuf reprit la direction, corrigea des lacunes et proposa, dans un mémoire du 1er juin 1769, des aménagements tels qu'une lunette située à 500 m du front nord‑est (actuelle redoute de la Lunette‑Bouillé), des soutes à munitions souterraines, des murs protégeant les fortifications de terre et une tranchée divisant le fort en deux pour permettre un repli. Il obtint 1 300 000 livres supplémentaires et les travaux, réalisés par des régiments venus de métropole au prix de lourds sacrifices, s'achevèrent en 1772 ; l'ouvrage fut alors baptisé Fort Bourbon. Le fort remplit son rôle défensif durant la guerre d'indépendance des États-Unis puisque les Anglais n'attaquèrent pas Fort‑Royal, base des régiments français impliqués auprès des insurgents. Le 1er septembre 1790, deux compagnies du régiment de la Martinique se mutinèrent et se retranchèrent dans le fort ; le gouverneur Claude Charles de Damas de Marillac tenta de les assiéger mais fut abandonné par d'autres compagnies, les grenadiers se déclarant neutres et se retirant au fort de la Trinité avec 23 officiers. En 1793 le fort prit le nom de Fort la Convention. En 1794, le général Donatien‑Marie‑Joseph de Rochambeau s'y enferma avec 900 hommes du 109e régiment et résista pendant un mois aux Anglais qui envahirent la Martinique avec 16 000 hommes ; après la capitulation, les Anglais occupèrent l'île de 1794 à 1802 et renommèrent l'ouvrage Fort George. La Martinique fut restituée à la France par la paix d'Amiens du 25 mars 1802 et Napoléon Ier donna au fort le nom de Fort Desaix en l'honneur du général Louis Charles Antoine Desaix, tué à Marengo. Le 23 février 1809, sous le commandement du général Villaret‑Joyeuse, le fort capitula à nouveau devant les Anglais ; il n'a jamais été pris par assault mais après des sièges prolongés, et il revint sous administration française en 1814. Fortement endommagé par les destructions anglaises, il fut restauré en 1848 avec un aménagement du front nord‑est et la création d'une caponnière double. À la fin du XIXe siècle, ses fortifications devinrent obsolètes et furent réaménagées en 1880 et 1905 pour soutenir des batteries d'artillerie côtière de 16 tubes. Durant la Seconde Guerre mondiale, sous l'administration de l'amiral Georges Robert, le fort abrita 286 tonnes d'or de la Banque de France arrivées à bord du croiseur Émile Bertin, réserve initialement destinée au Canada. En 1961, il devint caserne et accueillit le 33e régiment d'infanterie de marine ainsi que l'état‑major du commandement des forces armées aux Antilles (COMSUP). Inscrit au titre des monuments historiques en 2009, le fort fit l'objet d'aménagements liés au regroupement des forces armées, ce qui entraîna une demande de désinscription ; il fut radié des monuments historiques en 2011. Aujourd'hui, le fort Desaix sert de quartier général aux forces armées aux Antilles et abrite le détachement Terre Antilles du 33e RIMa, composé de cinq compagnies — état‑major, compagnie de commandement et de logistique, deux compagnies tournantes, deux compagnies de réserve — ainsi que le centre d'aguerrissement outre‑mer et de l'étranger (CAOME).