Origine et histoire du Fort Libéria
Le fort Libéria domine Villefranche-de-Conflent d'environ 150 mètres et se situe au confluent des vallées de la Têt, de la Rotja et du Cady, sur les communes de Villefranche-de-Conflent et de Fuilla, dans les Pyrénées-Orientales. Villefranche, créée par le comte de Cerdagne et dotée d'une charte de fondation en 1092, fut la place la plus importante du Conflent jusqu'au XVIIIe siècle ; une enceinte urbaine existait dès la fin du XIe siècle et fut renforcée au XIVe siècle par des tours de défense. Après le rattachement du Roussillon et d'une partie de la Cerdagne à la France, Vauban fit construire le fort Libéria à compter de 1681 pour renforcer la place de Villefranche, qu'il jugeait insuffisamment protégée ; la citadelle de Mont-Louis fut édifiée à la même période dans la partie supérieure de la vallée de la Têt. Dès le XVIIe siècle, face à la menace espagnole, le chevalier de Clerville avait déjà souligné la nécessité d'une place forte en Cerdagne et plusieurs projets furent soumis à Vauban en 1669 et 1679. Le projet du fort s'adapte étroitement à la topographie : deux hexagones imbriqués, une contrescarpe côté montagne, un donjon triangulaire et une avancée vers la ville au sud, dérogeant aux règles classiques des fortifications bastionnées. Vauban prévoyait une communication à travers les rochers vers une redoute qui descendait jusqu'à la ville. Le fort est relié à la cité par un escalier souterrain de 734 marches, percé entre 1850 et 1853 sur décision de Napoléon III. Sous Louis XIV, le fort servit un temps de prison d'État pour des protagonistes de l'affaire des poisons (1682-1683) ; Anne Guesdon et La Chapelain y furent détenues respectivement trente-six et quarante-trois ans, sans contact avec l'extérieur, certaines prisonnières s'adonnant au tissage pour occuper leurs journées. Le fort ne connut qu'une seule épreuve militaire majeure à l'été 1793 : bombardé depuis les hauteurs, il dut se rendre aux troupes espagnoles ; certains remparts et guérites furent détruits puis rapidement restaurés. Cette expérience montra les limites du fort, notamment l'impossibilité pour ses canons d'atteindre certaines positions ennemies et le manque de visibilité sur l'avancée adverse, tandis que les troupes espagnoles commandées par Antonio Ricardos se retirèrent peu après. Après l'abandon par l'armée, le domaine fut mis en vente et passa en mains privées ; en 1925, un premier acquéreur, M. Laurens, envisagea d'en faire une maison de retraite pour marins et fit raser la caserne des officiers pour créer une cour d'honneur, mais son projet échoua en raison de l'accès difficile et de l'éloignement de la mer. Le fort fut revendu en 1955 à Marcel Puy, qui le céda à son épouse, puis signa en 1984 un bail emphytéotique avec quatre commerçants de la cité ; après trois années de restauration, le fort fut ouvert au public en 1987. Le fort Libéria comprend une chapelle, une cour intérieure, la caserne des sous-officiers, la prison dite des Dames et le souterrain des « 1 000 marches », éléments visibles sur le plan de l'ouvrage. Classé « monument historique » en avril 2009, il a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO le 7 juillet 2008 dans le cadre du réseau des fortifications de Vauban. Le site a également servi de décor au film Le Bossu d'André Hunebelle, tourné en 1959.