Fortifications de Caen dans le Calvados

Patrimoine classé Patrimoine défensif Fortification

Fortifications de Caen

  • Promenade Saint-Julien
  • 14000 Caen
Crédit photo : Eugène Lefèvre-Pontalis (1862–1923) Autres noms No - Sous licence Creative Commons
Propriété de la commune

Période

XIVe siècle

Patrimoine classé

Tour carrée de l'ancien mur de ville dans le lycée de filles : inscription par arrêté du 13 juin 1927

Origine et histoire des fortifications

Les fortifications de Caen, longtemps perçues comme un signe de richesse, constituent un élément majeur du patrimoine militaire de la ville, même si elles n’ont pas toujours empêché les attaques extérieures. Le premier témoignage citant la ville remonte à une charte de l’abbaye de la Trinité de Fécamp de 1025, qui décrit une cité ouverte, puis la ville se pare de murs à partir de la conquête de l’Angleterre et se structure en plusieurs ensembles fortifiés. Au XIIe siècle, Caen se compose de fortifications autonomes autour des bourgs l’Abbé, l’Abbesse et le Duc ; Philippe Auguste fait édifier des remparts pour les relier, ainsi que les tours rondes dites de la Reine Mathilde, la tour Puchot et la porte des Champs. L’enceinte du château, dont la muraille remonte aux environs de 1060–1080, a été maintes fois remaniée sans que son emprise change sensiblement ; ses accès ont en revanche évolué, avec une tour-porte au nord, une poterne au sud, puis la construction d’une courtine et la création de la Porte des Champs précédée d’une barbacane, ainsi que, plus tard, de la porte Saint-Pierre elle aussi protégée par une barbacane. L’enceinte du château, hérissée de tours et entourée de fossés encore visibles, se rattache aux murailles de la ville au niveau des tours Puchot et Mathilde, toutes deux édifiées au début du XIIIe siècle.

Le Bourg-le-Roi est clos dès l’époque ducale, les chartes de l’abbaye aux Hommes indiquant des travaux achevés en 1077, mais il s’agissait probablement d’ouvrages en terre et de palissades destinés à délimiter des juridictions plutôt qu’à assurer une défense complète. Au XIIIe siècle, l’octroi de privilèges communaux semble accompagner un renforcement des fortifications, d’abord légères, et la mention de la porte au Berger en 1245 constitue la première référence écrite à ces structures. Après le sac de la ville par Édouard III en 1346, Philippe de Valois autorise la reconstruction des murailles aux frais des habitants et Charles le Sage permet à l’abbesse de la Trinité de lever un impôt pour financer les travaux ; la nouvelle enceinte, élevée entre 1346 et 1363, comprenait des murs d’une épaisseur importante, un chemin de ronde, 32 tours et des fossés, mais elle subit des dommages lors des sièges de 1417 et 1450 et dut être reconstruite. Après la reprise française, l’angle nord-ouest et le flanc nord furent protégés par deux tours rondes (Chastimoine et Silly), donnant à l’enceinte son organisation définitive, bien que la rapidité des constructions et des fondations peu profondes aient entraîné une dégradation qui nécessita des réparations dès le XVIe siècle. Des travaux d’entretien et de restauration sont attestés aux portes Millet, au Berger, de Bayeux et Saint-Julien à la fin du XVIe siècle.

L’île Saint-Jean est façonnée à partir d’un canal creusé au début du XIIe siècle et d’une première muraille construite dès 1102 ; la création d’une chaussée-barrage maintient l’eau et confère au secteur un caractère insulaire, même si les cours d’eau demeuraient franchissables à gué en été. En 1343 une palissade est élevée le long des rivières en prévision d’une attaque, puis l’île est définitivement entourée d’une ligne de remparts reliant la tour au Landais et la tour Leroy en longeant l’Orne et le canal Robert ; ces ouvrages sont relevés après les sièges de 1417 et 1450. Le port médiéval, aménagé sur les berges de l’Odon côté Saint-Jean, était protégé par la tour Leroy et la tour aux Landais reliées par une chaîne interdisant l’accès au canal.

Les deux grandes abbayes, l’abbaye aux Hommes et l’abbaye aux Dames, fondées au milieu du XIe siècle, semblent avoir été entourées de murs marquant et protégeant leurs domaines ; elles exercent une juridiction sur les faubourgs et sont fortifiées, l’abbaye aux Dames obtenant en 1359 le droit de lever un impôt pour renforcer ses défenses. En février 1433, Henri VIII d’Angleterre, alors occupant la ville, ordonne l’abaissement des murs des bourgs abbatiaux ; les murailles sont pour autant en grande partie conservées, tandis que les fossés de l’abbaye aux Dames sont comblés.

Entre Bourg-le-Roi et l’île Saint-Jean, l’espace des Petits Prés fait l’objet de projets successifs de fortification ; en 1512 Louis II de La Trémoille aménage une chaussée surélevée précédée d’un fossé, et au XVIe siècle plusieurs ouvrages bastionnés et courtines sont entrepris pour combler cet intervalle. Un bastion est élevé en 1569 puis détruit, et à partir de 1590 la municipalité lance la construction d’une nouvelle muraille avec bastions — l’un près de la porte Saint-Étienne (baptisé plus tard bastion des Jésuites) et l’autre dans la Cercle — puis, sous l’impulsion de commissaires royaux en 1592, on prévoit trois bastions reliés par une courtine ; la porte dite des Près est percée et achevée en 1595, le bastion de la Cercle est commencé la même année, les travaux reprennent en 1609 et la muraille est définitivement achevée en 1615, les autres ouvrages étant terminés entre 1616 et 1621, permettant l’aménagement du quartier de la place Royale aux Petits Prés.

La destruction progressive des enceintes débute à la fin du XVIIe siècle avec les Petits murs, puis s’accélère au XVIIIe siècle sous l’effet de projets d’urbanisme visant à ouvrir et aérer la cité médiévale ; malgré un rapport préconisant la remise en état des fortifications, on procède au démantèlement : en 1716 sont abattus les murs le long des quais entre la tour aux Landais et le pont Saint-Pierre, le Châtelet est détruit en 1755, la porte Millet est supprimée au début des années 1760, la porte Saint-Étienne en 1758, la porte au Berger en 1782, la porte de Bayeux en 1783 et la porte Saint-Julien en 1785, tandis que les fossés sont comblés et les abbayes aménagées en jardins. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, les destructions se poursuivent : la porte des Près est démolie en mai 1806, la porte de la Basse rue en août 1819 (dernière porte détruite), les vestiges de l’abbaye aux Dames en 1821, et d’autres tours et ouvrages encore au cours du XIXe siècle ; le canal Robert est comblé en 1922. Durant les premières décennies du XXe siècle, des pans de murailles sont arasés pour permettre des lotissements, certaines tours sont classées monuments historiques en 1921 mais d’autres sont radiées ou détruites, et la tour ès-Morts est elle-même anéantie par les bombardements de la bataille de Caen.

Les portes et tours formaient un réseau dense : les premières portes connues sont la porte Millet (mentionnée en 1175), la porte du marché, la porte Calibourg (mentionnée en 1247) et la porte au Berger, et l’armature urbaine comprenait de nombreuses autres entrées telles que le pont Saint-Pierre, la porte de la Boucherie ou Notre-Dame, la porte Saint-Étienne, la porte Arthur ou porte au Duc, les portes Saint-Martin, du Marché et de Bayeux, la porte Saint-Julien, la porte du Bac dite Saint-Malo ou Saint-Gilles, la porte des Prés sur la courtine de 1590, ainsi que des portes provisoires comme celles du Moulin, des Jacobins, de l’île Renaud ou des Mineurs. Les tours, soit carrées pour les plus anciennes soit semi-circulaires pour les plus récentes, étaient au nombre d’une vingtaine ; parmi les principales figurent la tour Leroy, la tour aux Landais (reliée à la précédente par une chaîne pour protéger le port), la tour Lebaski, la tour Machard ou du Massacre, la tour Malguéant, la tour-ès-Morts, la tour Anzeray, la tour Pendant, la tour Saint-Jacques, la tour de la Boucherie, la tour Lourirette, la tour Chastimoine, la tour Silly, la tour Puchot et la tour de la Reine Mathilde.

Des traces des enceintes subsistent dans le tissu urbain et dans la toponymie, notamment autour du Bourg-le-Roi, des Petits-Près et des abbayes. Des fouilles préventives ont mis au jour des vestiges importants : en 2015 l’Inrap a retrouvé les fondations du bastion de la Foire, et des opérations menées au début de 2024 dans le cadre du tramway ont étudié une muraille et une tour boulevard Maréchal-Leclerc, une courtine du XVIe siècle place Gambetta, le bastion des Jésuites boulevard Bertrand et une tour d’angle des fortifications de l’abbaye aux Hommes avenue Albert-Sorel. Enfin, plusieurs noms de rues et lieux conservent la mémoire des fortifications, comme la rue Porte-au-Berger, la rue Porte-Millet, la rue de la Chaussée-Ferrée, les fossés Saint-Julien, la rue des Fossés-du-Château ou la promenade du Fort, et le bastion maçonné commencé en 1610 fut achevé en 1618.

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