Origine et histoire des fortifications
L'enceinte fortifiée de Rocroi, datée des XVIe et XVIIe siècles, protège la ville entre le XVIe siècle et 1889 ; le bastion du Roy comporte des aménagements des XVIe, XVIIIe et XIXe siècles. Après la guerre de Cent Ans et les ravages causés par les écorcheurs, Rocroi disposait d'un large fossé rempli d'eau et occupait une position stratégique sur la route de Charleroi à Mézières. Le site, choisi par Martin du Bellay envoyé par François Ier pour son environnement marécageux, fut jugé défendable car il empêchait l'ennemi de camper plus de vingt-quatre heures. Henri II fit édifier la première enceinte en 1555 pour protéger la frontière de Champagne contre les menaces venant des forteresses de Chimay, Philippeville et Charlemont. La localité fut conçue selon un plan radio-concentrique en étoile, sans doute par un architecte italien ; au centre se trouve une place d'armes pentagonale d'où partent dix rues vers les remparts. Roger de Bussy-Rabutin décrit la place comme « un pentagone à cinq fronts », intégrant un vieux fortin construit en 1545 par François Ier et englobé dans les fortifications nouvelles, surnommé l'« étoile de mer pétrifiée ». La construction, suivie par le maréchal de Bourdillon, fut menée à partir du contrat de 1555 par Loys Lenthe, maître maçon de Senlis ; les remparts étaient rasants et non maçonnés. La population des bourgs voisins s'installa rapidement dans la nouvelle ville. La forteresse résista à des attaques espagnoles en 1556 et 1559, puis fut prise par surprise en 1586 lors des guerres de Religion par des troupes de Guillaume-Robert de La Marck avant d'être reprise au bout de trente-six jours par le duc de Guise. Rachetée par Louis XIII en 1614, la place fut renforcée : cinq demi-lunes furent ajoutées, le bastion du roi isolé par un fossé pour devenir une citadelle, et les escarpes revêtues de maçonnerie. À une portée de canons se déroula la bataille de Rocroi le 19 mai 1643, où le duc d'Enghein anéantit l'armée espagnole ; en 1653 le même Condé prit la place pour les Espagnols et la garda jusqu'en 1660. Vauban intégra Rocroi à la seconde ligne de son Pré carré malgré ses critiques sur le plan de la place exprimées le 22 mars 1673, puis effectua des remaniements : compléments de bastions, avancées et demi-lunes de la deuxième ligne. À l'intérieur des fortifications, il fit construire un hôpital militaire, une poudrière, un arsenal, des casernes, un grand souterrain sous le bastion du roi et, sur la deuxième ligne, un chemin couvert ; ces travaux mobilisèrent 500 hommes par semaine issus des 57 villages voisins par corvée. En 1792, quatre flèches formant des lunettes furent ajoutées, et la ville fut occupée par des troupes russes entre 1815 et 1818. Des travaux de 1832 consistèrent à surélever les bastions par des apports massifs de terre pour former des cavaliers, à installer des tenailles devant les courtines et des contregardes devant trois bastions. En 1870 la place subit cinq heures de feu allemand puis se rendit au moment où le commandant allemand s'apprêtait à lever le siège. L'invention de l'obus-torpille entraîna le déclassement de Rocroi en 1889. Le bastion du Roy est classé au titre des monuments historiques depuis 1981 et le reste des remparts est inscrit depuis 1935. Parmi les éléments visitables figure le bastion du Dauphin. Environ 700 habitants vivent intra-muros sur une population communale de 2 500. Entre 35 000 et 40 000 touristes visitent les fortifications chaque année, et la municipalité vise à dépasser 100 000 visiteurs après la construction de l'autoroute A304. La place centrale est en partie transformée en parking et en terrasses de restaurants. La poudrière de Vauban a été aménagée en médiathèque, l'ancien hôpital militaire accueille un lieu culturel et l'arsenal a été converti en logements sociaux, tout en conservant leur architecture.