Origine et histoire
Le four à chaux Méralikan présente un massif carré en maçonnerie de moellons et de pierres de taille de basalte, abritant un four de forme cylindrique. Une rampe adossée au massif servait au stockage des blocs de corail et du bois et permettait d'accéder au sommet du four, chargé par le haut en alternant couches de corail et de bois. L'allumage se faisait par deux baies à la base ; ces mêmes ouvertures permettaient d'extraire la chaux à la pelle pour l'éteindre puis la broyer. Le four provient du démembrement de la propriété sucrière du Cap en 1886. Son système d'alimentation, dit à feu continu, l'apparente à la seconde génération de fours implantés sur l'île à partir de 1850–1860, tandis que des fours de première génération, non continus, subsistent encore en quelques exemplaires, comme celui situé près de la marine de Manapany. Le four est situé à Saint-Leu, sur la côte ouest de l'île de La Réunion, et il est inscrit au titre des Monuments historiques depuis le 29 mars 1996. Le site appartint successivement à M. Deltel et reposait sur un terrain appartenant à M. Begue. Dans les années 1950, Raphaël Méralikan acheta l'usine. En 1953, son frère Pierre Méralikan racheta le four à chaux, le remit en activité et l'entreprit avec soin tout au long de sa vie ; il resta entrepreneur de l'usine jusqu'en 1994, et cette usine fut la dernière à avoir été en activité sur l'île. La production de chaux a une longue histoire et a servi depuis des siècles à la construction en Europe. À La Réunion, dès 1664 la Compagnie française des Indes orientales, titulaire du monopole des terres, organisa la fabrication de la chaux à une époque où l'île ne disposait pas de bâtiments en dur. La chaux était employée principalement pour les mortiers et, lors d'épidémies, pour couvrir les morts. Dans son ouvrage Les fours à chaux de la Réunion, Georges Tergemina écrit que « la chaux était le crayon à grand format de l'île à l'époque » et qu'elle avait de nombreuses utilisations, parfois médicinales. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, sous le Second Empire, les usines de fours à chaux se développèrent et la production prit de l'ampleur ; la chaux devint, avec le sucre, une activité importante. Les établissements sucriers, qui contrôlaient alors la fabrication, laissèrent progressivement la place à des artisans, les chaufourniers. La chaux accompagna l'évolution de l'île en fournissant un matériau essentiel pour la construction de nombreux ouvrages : elle alimenta de grands travaux comme le chemin de fer (1872–1886) et servit à édifier à Saint-Leu le pont des Colimaçons, le viaduc de la Petite Ravine, le pont de la Grande-Ravine, l'enceinte blanchie du cimetière, l'ancien entrepôt de maïs et de café devenu l'Hôtel des postes, ainsi que de nombreuses églises et bâtiments administratifs.