Origine et histoire de la Gare transatlantique
L'ancienne gare maritime de Cherbourg, située à Cherbourg-en-Cotentin (Manche, Normandie), a servi à la fois de terminal maritime de passagers et de gare ferroviaire entre les années 1930 et 1960. Le projet s'inscrit dans l'aménagement d'un port en eau profonde conçu par l'ingénieur Minard. Dès le XIXe siècle et au début du XXe, Cherbourg recevait déjà des trains internationaux et des transbordeurs assuraient la liaison entre quai et paquebots, avec un appontement en bois suivi d'une gare maritime en maçonnerie construite en 1912. La nouvelle gare, dessinée par l'architecte René Levavasseur en collaboration avec les ingénieurs Marcel Chalos et Raymond Fleury et décorée par Marc Simon, a été construite en béton armé à partir de 1928 et inaugurée en 1933 par le président Albert Lebrun. Elle se compose de deux grands bâtiments — la halle des transatlantiques et la halle des trains — reliés à une galerie couverte d'embarquement longue d'environ 500 mètres et dotée de neuf passerelles métalliques mobiles. La gare, conçue dans un riche vocabulaire Art déco, associe béton armé, briques claires et pierres de béton, et offre des décors intérieurs signés des ateliers de Marc Simon avec un dallage en mosaïque réalisé par Gentil et Boudet. La grande halle des trains, longue de 240 mètres, couvre une surface de 7 000 mètres carrés ; le bâtiment principal comprenait jadis une vaste salle des pas perdus, des bureaux des compagnies maritimes, des boutiques, une salle des douanes et un grand salon. L'ensemble était également marqué par un campanile de 70 mètres qui a été détruit par les Allemands en 1944 et n'a pas été reconstruit. La gare pouvait accueillir simultanément quatre trains et deux paquebots, et ses équipements comprenaient des grues mobiles pour le courrier et les marchandises. La façade maritime, le quai de France et la galerie assuraient la transition directe entre la voie ferrée et les transatlantiques, symbolisant le lien entre le rail et la traversée de l'Atlantique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la gare fut partiellement détruite par des explosions en juin 1944 ; la partie sud du bâtiment principal, le grand salon et le campanile furent rasés, tandis que la partie nord subit des dommages plus limités. Relevée après-guerre à l'initiative de la chambre de commerce, la restauration menée entre 1948 et 1952 a reconstruit la halle des trains et la galerie couverte dans l'esprit des années 1930, sans toutefois restituer le campanile ni l'aile sud de la gare. Reprise par la Cunard comme troisième escale entre Southampton et New York, la gare retrouva une activité soutenue jusque dans les années 1960, avec l'escale régulière du Queen Mary et du Queen Elizabeth. La disparition progressive du trafic transatlantique à la fin des années 1960 et le retrait des grands paquebots entraînèrent un déclin de l'usage, malgré quelques reprises d'escales, notamment après le lancement du Queen Elizabeth 2 en 1969. Dans les années 1970 et 1980, des transformations destinées au fret et au stockage de conteneurs entraînèrent la démolition progressive de parties de la galerie et du grand salon ; la galerie nord fut démolie en 1979 et le grand salon reconstruit après la guerre fut rasé en 1982. Une opération envisagée à la fin des années 1980, qui aurait remplacé la halle des trains par des installations d'embarquement automobiles, fut finalement abandonnée après des mobilisations en faveur de la conservation ; la gare fut inscrite aux monuments historiques en 1989, ce qui a contribué à sa sauvegarde. Depuis 2002, le site accueille la Cité de la Mer, musée océanographique, et des travaux de rénovation de la partie voyageurs ont été conduits de 2003 à 2006, permettant notamment l'accueil du Queen Mary 2 en 2004 et l'inauguration d'un terminal croisières en décembre 2006. À proximité, le sous-marin Le Redoutable, lancé en 1967 par l'Arsenal de Cherbourg, est exposé dans une darse aménagée près de l'ancienne gare. Au titre des monuments historiques, le hall des trains et sa voie charretière avec leurs équipements, ainsi que les façades et toitures du hall des transatlantiques et les deux passerelles mobiles, ont été inscrits par arrêté le 27 décembre 1989, et le hall des transatlantiques l'a été par arrêté du 16 août 2000. L'édifice, implanté à l'extrémité de la ligne de Mantes-la-Jolie à Cherbourg, reste l'un des exemples majeurs de l'architecture Art déco de l'entre-deux-guerres en Basse-Normandie.