Origine et histoire du gisement de la Micoque
Le gisement de la Micoque, aux Eyzies, en Dordogne, est un site préhistorique majeur qui a livré de très nombreux vestiges lithiques du Paléolithique inférieur et qui a donné son nom au Micoquien tout en ayant servi à caractériser le Tayacien. Il se situe en Périgord noir, dans la vallée du ruisseau de Manaurie, sur la rive gauche, à proximité d'autres gisements bien connus comme Laugerie-Haute et Laugerie-Basse. La découverte remonte à 1895 lorsqu’un propriétaire signala des pierres taillées à Pierre Fournier ; celles-ci furent ensuite montrées à Émile Rivière et à Delmas, qui informèrent Gustave Chauvet, auteur d’une importante collection aujourd’hui disparue. De nombreuses campagnes de fouilles se succédèrent : Louis Capitan, Édouard Harlé, Denis Peyrony, L. Coutil, Émile Cartailhac et Otto Hauser y travaillèrent au tournant du XXe siècle, Marcellin Boule, Camille Jullian et Henri Breuil y firent une visite en 1906, et Peyrony reprit les fouilles après l’acquisition du site par l’État, décrivant une séquence stratigraphique en quinze couches contenant six niveaux archéologiques. François Bordes étudia l’industrie lithique et conduisit une fouille réduite en 1956 ; Henri Laville et Jean‑Philippe Rigaud révisèrent la séquence dans les années 1970, puis Rigaud et André Debénath menèrent de nouvelles campagnes de 1989 à 1997. Une révision de l’histoire sédimentaire a été publiée par J.-P. Texier et P. Bertran en 1993.
Selon cette étude de 1993, les dépôts se subdivisent en trois ensembles sédimentaires imbriqués. L’ensemble inférieur, riche en galets et graviers et sans vestiges archéologiques, correspond aux couches I à XII distinguées par Laville et Rigaud. L’ensemble moyen, qui regroupe pratiquement tous les niveaux archéologiques, comprend à sa base une unité argileuse et des lits de galets et graviers calcaires granoclassés intercalés de niveaux rouges sablo-argileux ; la couche L2/3 (SIO 10), attribuée par F. Bordes à l’Acheuléen méridional, a livré une industrie centrée sur la production d’éclats. L’ensemble supérieur, sablo-argileux et d’épaisseur moyenne, est absent de la coupe témoin actuelle ; le niveau ayant conduit à la définition du Micoquien pourrait se situer à la base de cet ensemble mais n’a pas été retrouvé dans les fouilles récentes. Les galets et graviers des ensembles inférieur et moyen sont désormais interprétés comme des dépôts alluviaux liés à des chenaux fluviaux tressés, comme l’attestent aussi des gastéropodes d’eaux tempérées ; les niveaux rouges résultent d’écoulements en masse provenant du versant et non de paléosols lessivés. Des données géologiques et des datations (ESR et U/Th) situent les ensembles inférieur et moyen entre les stades isotopiques 12 et 10, la phase interglaciaire à la base de l’ensemble moyen étant vraisemblablement le SIO 11, tandis que l’ensemble supérieur semble s’être mis en place à l’Holocène.
Les niveaux archéologiques de l’ensemble moyen ont été affectés par des processus post‑dépositionnels liés au milieu fluviatile, ce qui impose de la prudence dans leur interprétation. Ils incluent le Tayacien défini par Henri Breuil, caractérisé par un débitage peu élaboré et un outillage évoquant le Moustérien, avec de nombreux racloirs, denticulés et encoches, ainsi que quelques bifaces atypiques. Capitan décrivit des coups-de-poing et des bifaces bien taillés, parfois unifaciaux et de petite taille, des pointes relativement fréquentes et une abondance de racloirs, concluant à un faciès proche de l’Acheuléen mais marqué par l’importance des racloirs. François Bordes accepta le Tayacien comme une industrie distincte à condition de l’envisager comme un pré‑Moustérien. Le Micoquien, situé à la base de l’ensemble supérieur (niveau N / couche 6), est défini comme un Acheuléen final comportant des bifaces particulièrement soignés, certains à bords convexes ; une nouvelle étude de cette industrie est en cours. Ces assemblages figurent parmi les plus anciens du Périgord et jouent un rôle fondamental pour la compréhension de la préhistoire régionale et au-delà.
Le gisement de la Micoque est protégé et classé au titre des monuments historiques depuis 1922 et fait partie, depuis 1979, des quinze sites préhistoriques et grottes ornées de la vallée de la Vézère inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le site reste visible et protégé ; des visites‑conférences sont organisées sur réservation et un panneau d’information, installé par le Pôle international de la Préhistoire, marque une étape de la « Boucle de la Micoque ».