Origine et histoire du Grand Doyenné
Le Grand Doyenné, ou manoir de Subligny, se dresse au 26 rue d'Auditoire à Avranches ; il est considéré comme un des rares exemples d'architecture civile médiévale conservée en Normandie et est classé au titre des monuments historiques. L'édifice remonte au milieu du XIIe siècle et a vraisemblablement été élevé comme hall seigneurial pour Hasculf de Subligny, frère de l'évêque Richard de Subligny et fondateur de l'abbaye de la Lucerne. À l'origine, une grande salle d'apparat d'environ 230 m2 dominait un cellier voûté d'arêtes ; un bas-côté d'environ 100 m2 complétait cet ensemble. Vers 1200, un bâtiment seigneurial de type chamber-block fut accolé au pignon oriental, assurant des fonctions domestiques en rez-de-chaussée et une chambre seigneuriale à l'étage, et un autre édifice séparé recevait les réceptions. Avant 1274 la demeure passa à la famille Paisnel puis, selon une charte conservée, devint le siège du doyenné d'Avranches jusqu'à la Révolution française. Des travaux importants furent engagés à la fin du XIIIe siècle par l'évêque Raoul de Thieuville et ses successeurs, qui remplacèrent notamment la charpente, et un petit bâtiment accolé, le Petit Doyenné, fut élevé au sud-est. À la fin du Moyen Âge et à l'époque moderne la grande salle fut divisée en deux niveaux ; une nouvelle charpente et des ouvertures furent réalisées, tandis qu'une construction accolée à l'ouest abrita les cuisines dont la cheminée conservée date du début du XVIe siècle. Au milieu du XVIIIe siècle la façade sud sur jardin fut remaniée, l'épaisseur du mur réduite et les appartements du doyen aménagés et décorés de lambris et boiseries, conférant à l'ensemble l'aspect d'un hôtel particulier du XVIIIe siècle dans une enveloppe médiévale. Pendant la Révolution le lieu fut vendu comme bien national et le cellier servit de lieu de détention pour des aristocrates d'Avranches, qui furent finalement libérés en octobre 1794. Le Petit Doyenné disparut entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. En mai 1940 le Grand Doyenné accueillit des fonds précieux de la bibliothèque d'Avranches ; ces ouvrages furent évacués au château d'Ussé en 1942 et restèrent là jusqu'en 1946. L'édifice échappa à des destructions majeures lors de la bataille de Normandie et son cellier servit de refuge pendant les bombardements, mais il subit des dommages lors de la tempête du 26 décembre 1999. Après une mutation au début du XXIe siècle, le site a été ouvert au public et aux chercheurs et a fait l'objet d'études récentes ; l'ensemble du bâtiment et le sol de la parcelle ont été classés par arrêté du 19 octobre 2007. Sur le plan architectural, la structure primitive romane est largement conservée : le cellier voûté du XIIe siècle, la charpente caractéristique de la fin du XVe siècle et des boiseries du XVIIIe siècle figurent parmi les éléments remarquables. Les murs, principalement en moellons de granit avec contreforts et chaînages en pierre taillée, montrent une qualité d'exécution fondée sur le mortier et les maçonneries ; le mur de la salle basse atteint 2,26 m d'épaisseur et le mur gouttereau nord conserve des contreforts plats et une porte d'accès médiévale. La charpente compte huit travées et sept fermes avec des poinçons numérotés, et la couverture a successivement été en tuiles à ergot, en lauzes puis en ardoise fine d'Angers. Les dimensions initiales du bâtiment étaient de 28 × 14 m et la superficie totale actuelle est d'environ 550 m2 ; le mur gouttereau nord s'élève à 13,50 m. La salle basse mesure 22,50 × 9,50 m, comporte deux nefs, quatre travées et une hauteur sous voûte de 4,20 m ; elle conserve une porte romane, des baies à double ébrasement pour l'éclairage et un bassin de 0,50 m de profondeur alimenté par des remontées de la roche. Un escalier en vis au nord-est, contemporain de la construction, menait à un chemin de ronde non défensif ; il est partiellement effondré, probablement à la suite de la disparition du Petit Doyenné. La grande salle primitive, d'abord éclairée par de larges baies ogivales, voit ses ouvertures modifiées aux XVe et XVIe siècles et a livré des fragments d'enduits peints, dont un décor de faux appareil et un semis de fleurs rouges dans la tourelle de l'escalier. L'ensemble, composé de la grande salle, du cellier, du chamber-block et du Petit Doyenné aujourd'hui disparu, constitue un complexe manorial d'un fort intérêt archéologique et historique et illustre l'adaptation d'une résidence seigneuriale laïque aux usages successifs des siècles. Le lieu a par ailleurs servi de décor pour un téléfilm en 1966 et a été mis en vente par ses propriétaires en mai 2019.
