Origine et histoire de la Grande Écurie
La Grande Écurie se dresse à Versailles, sur la place d'Armes, en face du château, entre les avenues de Saint-Cloud et de Paris. Conçue par l'architecte Jules Hardouin-Mansart et achevée en 1682, elle forme avec la Petite Écurie les Écuries royales de l'École de Versailles, institution qui employait un millier de personnes sous Louis XIV. Dotée d'un manège, elle abritait les chevaux de chasse et de guerre du roi et remplaça l'ancienne Écurie du Roi, devenue alors Écurie de la Reine. Sous l'Ancien Régime, la Grande Écurie relevait du Grand écuyer et accueillait l'école des pages, réservée à la noblesse militaire ancienne dont les candidats devaient prouver leur noblesse depuis 1550 ; être reçu comme page y constituait un honneur immédiatement inférieur aux Honneurs de la Cour. Entre 1680 et 1830, la Grande Écurie fut aussi le berceau de l'équitation savante française, l'École de Versailles.
L'emblème du fronton fut supprimé entre 1793 et 1794. À partir de 1854, le bâtiment fut occupé par l'armée. Par arrêté du 20 août 1913, les façades sur la cour d'honneur et sur les avenues de Paris et de Saint-Cloud, les façades des deux pavillons et les grilles bordant la place d'Armes furent classées au titre des monuments historiques. Durant l'été 1940 la Wehrmacht s'y installe et, le 15 juin 1943, la Luftwaffe aménage un poste de DCA sur le toit. L'état-major de la 2e division blindée y fut implanté de 1979 à 1998. Le château de Versailles organisa pour la première fois un jumping international dans la cour de la Grande Écurie les 5 au 7 mai 2017.
Divers établissements s'y sont succédé : la Galerie des Carrosses, transférée du Trianon en 1978, fermée en 2006 pour travaux d'agrandissement et rouverte en 2016 ; l'Académie du spectacle équestre, restaurée à partir de 2002 lorsque le château confia à Bartabas la réhabilitation du manège rectangulaire confiée à l'architecte Patrick Buchain, et inaugurée en 2003 comme Académie équestre nationale du domaine de Versailles ; les archives communales de Versailles ; les archives départementales des Yvelines de 1957 à 2003 ; et, en 2021, le campus Versailles des métiers d'arts « Patrimoine & Artisanat d’excellence ».
L'architecture s'organise autour de cinq cours : la grande cour, bordée d'une colonnade en hémicycle et de deux ailes symétriques, deux cours moyennes à l'arrière et deux petites cours latérales dites « cours du fumier ». Derrière le grand portail se trouvait le manège rectangulaire qui sert aujourd'hui de théâtre à l'Académie équestre nationale. Les galeries de la Grande Écurie sont simples, tandis que la Petite Écurie présente des galeries doubles séparées par des colonnades ; leurs plafonds sont voûtés. Les murs visibles depuis le château sont en pierre, les autres en brique rouge avec parement de pierre ; le bâtiment présente des croisées rectangulaires à l'étage, des lucarnes aux combles et des sculptures au fronton, au tympan et aux piédroits du grand portail. Des entrées latérales donnent sur les avenues de Saint-Cloud et de Paris, et l'enseigne « Écuries du Roi » fut posée sur la grille lors de la réouverture de la Galerie des Carrosses en 2016.
La Grande Écurie disposait également d'un corps de musique qui intervint dans les fêtes de plein air, les pompes et les solennités depuis le règne d'Henri III jusqu'à celui de Louis XV, accompagnant le roi et les princes lors d'entrées, carrousels, ballets et victoires. Les instruments étaient organisés en « bandes » : la plus prestigieuse, celle des Grands Hautbois, réunissait douze instruments — hautbois de toutes tailles et bassons — auxquels s'ajoutaient cornets à bouquin, sacqueboutes puis cromornes ; pour la musique militaire et cérémonielle on utilisait aussi trompettes, timbales et tambours. Pour les grandes occasions, la bande des Grands Hautbois jouait avec les Vingt-Quatre Violons du Roi, formant le premier orchestre mêlant cordes et vents.
À l'origine, sous François Ier, la Grande Écurie comprenait cinq corps d'instrumentistes « hauts instruments » ; vers 1667 un changement de diapason entraîna l'abandon de plusieurs instruments anciens et, en 1689, l'inventaire donnait des effectifs précis pour chaque formation. La composition instrumentale évolua ensuite avec l'apparition de la flûte traversière remplaçant des musettes du Poitou, et au XVIIIe siècle la musique de la Grande Écurie se réduisit essentiellement à une bande de trompettes et timbales et à une bande de hautbois et bassons. À partir de 1690 elle connut une longue période de déclin, puis les distinctions entre la Musique de la Chambre du roi, la Chapelle royale et la Grande Écurie s'estompèrent avant leur fusion par édit en 1761. Les charges musicales, souvent héréditaires, donnèrent naissance à des dynasties — notamment les familles Chédeville, Hotteterre, Marchand et Philidor — qui contribuèrent au développement du répertoire instrumental et à l'amélioration de la facture des instruments à vent.