Grange de Grandmesnil à Campremy dans l'Oise

Patrimoine classé Patrimoine rural Grange

Grange de Grandmesnil à Campremy

  • Le Bourg
  • 60480 Campremy
Grange de Grandmesnil à Campremy
Grange de Grandmesnil à Campremy
Crédit photo : Vinckie - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Période

1er quart XIIIe siècle

Patrimoine classé

Grange de Grandmesnil (cad. C 55, 108) : inscription par arrêté du 30 mai 1988

Origine et histoire de la grange de Grandmesnil

La grange de Grandmesnil est une ancienne grange cistercienne située au hameau de Grandmesnil, à Campremy, dans une exploitation agricole; l'édifice est inscrit au titre des monuments historiques depuis 1988. Elle se trouve sur le plateau picard, à 144 mètres d'altitude, à plus de deux kilomètres des villages de Campremy et de Wavignies, présents dès le XIIe siècle, et à environ trois kilomètres à l'est de la chaussée Brunehaut, voie ancienne reliant Saint-Just-en-Chaussée à Breteuil. La grange est située à une vingtaine de kilomètres de l'abbaye de Froidmont, dont elle dépendait.

Le toponyme Grandmesnil (ou Grosmesnil) associe l'adjectif grand à mesnil, terme médiéval issu de mansa/maisnil et dérivé du latin manere, signifiant « demeure », ce qui indique une implantation ancienne d'exploitation regroupant terres et constructions; un autre mesnil, Vesnomesnil, est signalé sur la même commune sans trace actuelle. Les vestiges aériens voisins ont révélé des villas gallo-romaines et des trouvailles monétaires ont été signalées près de Grandmesnil, ce qui suggère que la grange s'implante sur des terres déjà exploitées et entourées de parcelles défrichées ou boisées, comme l'indiquent des lieux-dits tels que les franches terres et le bois de Grandmesnil.

La grange relevait de l'abbaye de Froidmont, filiation d'Ourscamp, et voisinait les granges de Gouy et de Mauregard; la proximité de plusieurs établissements cisterciens traduit une forte implantation de l'ordre dans le secteur, tandis que la grange voisine de Troussures dépendait de l'abbaye de Chaâlis, liée à Pontigny. La première donation connue est celle d'Odon (ou Dodon) de Grandmesnil, chevalier et seigneur du lieu, qui céda toute sa terre aux religieux de Froidmont en 1142; dès lors, la grange fonctionna comme ferme cistercienne et le domaine s'accroît par donations successives jusqu'en 1256. Parmi ces enrichissements figurent l'extension « totam terram circum adiacentum territorio de Grosmesnil » en 1150, la donation du bois de Vesomesnil en 1179 et la mention de la grange dans la bulle confirmative du pape Alexandre III en 1164 sous la dénomination grangiam de Grosmesnil cum omnibus pertinentiis. D'autres donations et accroissements se succèdent de la fin du XIIe siècle au milieu du XIIIe siècle, incluant des bois et des terres dans la vallée Saint-Nicolas et la donation des terres du Mont-Tilloy entre 1232 et 1236, ce qui multiplie considérablement l'étendue du domaine primitif.

L'abandon des droits seigneuriaux sur la première donation est constaté en 1256; la diminution du nombre de convers provoque ensuite la mise en location des fermes, et le premier bail conservé pour Grandmesnil date de 1492. Un état général des possessions de l'abbaye en 1256 dénombre pour la grange 23 chevaux, 5 poulains, 37 vaches, 3 veaux, 680 brebis, 214 agneaux et 180 porcs, tandis que de nombreux textes attestent des droits d'usage et de pâturage dans bois, marais et friches. Les redevances en nature mentionnées montrent la diversité des productions : en 1186 une rente annuelle comprenait deux muids de blé, deux mines de pois et de fèves et une tunique, complétées tous les deux ans par une pelisse et un agneau; en 1677, lors d'un partage des revenus, Grandmesnil affermée apparaissait dotée d'une redevance de 130 muids de blé, 1 216 livres d'argent, huit mines de pois, 12 livres de cire et 12 chapons. Lors de la vente comme Bien national en 1790, le domaine s'étendait sur 700 journaux, soit environ 350 hectares.

L'édifice principal mesure 56 mètres de long sur 22,50 mètres de large hors œuvre; il comprend trois nefs parallèles de neuf travées, neuf grandes arcades brisées, deux bas-côtés peu élevés et une vaste toiture. Les piliers, jusqu'au départ des arcades, ainsi que le rouleau de ces arcades sont en pierre d'aspect jaunâtre et résistante, tandis que l'intrados et le nu des murs sont en pierre calcaire blanche plus gélive; l'architecte a alterné ces matériaux de façon décorative et constructive, avec des assises alternant pierre jaune et pierre calcaire au centre. Les arcades en tiers-point reposent sur des piliers soignés de plan carré aux angles adoucis, sans chapiteau ni imposte, élargis en plinthe et terminés par des amortissements décoratifs; des consoles le long des bas-côtés recevaient les poutres. Les murs gouttereaux sont relativement bas, ce qui rapproche l'édifice de la grange de Troussures plutôt que de celle de Froidmont ou de Saint-Lazare à Beauvais; des ouvertures percées dans chacun des bas-côtés facilitent la circulation, caractéristique plutôt rare.

Le pignon oriental, mieux conservé, comporte deux baies en plein cintre qui éclairent les combles; la charpente présente un dessin de fermes et des assemblages particulièrement singuliers, sans parallèle évident parmi les granges de l'Oise. Le pignon occidental a été remanié en partie extérieurement par un placage de briques destiné à consolider l'élévation, le mur ancien subsistant derrière ce parement jusqu'au départ de la pointe du pignon.

Les murs anciens en craie blanche ceinturent l'essentiel de l'ancienne ferme; parmi les constructions utilitaires, une maison du XVIIIe siècle subsiste, de dimensions modestes et sans particularité architecturale notable hormis une date gravée sur le linteau. Une petite chapelle probablement du XVe siècle, en pierre blanche, est orientée dans l'axe du chevet plat; elle accueillait une unique baie en arc brisé et sa charpente reposait sur des sablières simplement décorées, l'ensemble étant couvert de petites tuiles plates. On signalait encore il y a une trentaine d'années une statue en bois polychrome de la Vierge dans cette chapelle; enfin, des caves et celliers sous les constructions longeant le chemin vicinal n°6 complètent les éléments conservés de l'ancienne ferme.

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