Origine et histoire de la grange de Vaulerent
Le domaine de la grange cistercienne de Vollerand, situé à Villeron dans la plaine de France à l'est du Val-d'Oise, appartient à l'abbaye de Chaalis depuis le XIIe siècle et conserve une fonction agricole continue. Une description de 1315 mentionne la grange, une bâtisse, une bergerie et une maison, l'ensemble clos de murs ; la grange et les deux niveaux inférieurs des caves datent de cette époque. Le toponyme Vaulerent, issu du latin Vallis Laurentii, a connu de nombreuses graphies (Vallorens, Vaulaurent, Volleron, Vaulerand, Vaulerant) ; les chercheurs retiennent généralement Vaulerent comme la forme la plus proche de l'étymologie. Implanté sur un large plateau de calcaire de Saint-Ouen recouvert de limons, le domaine occupe des terres réputées fertiles, isolées au milieu de champs ouverts à environ 800 mètres du centre du village et à proximité d'une ancienne voie reliant Paris et Senlis. Dès la fondation de Chaalis, la seigneurie et des donations multiples ont permis d'agrandir le domaine : acquisitions et remembrements ont conduit, au milieu du XIIIe siècle, à une superficie estimée entre 320 et 380 hectares en un seul bloc. Exploité en faire-valoir direct par les moines convers jusqu'au début du XIVe siècle, le domaine passa ensuite majoritairement en affermage ; l'inventaire de 1315 cite notamment 500 moutons et un fermage fixé à 1 123,80 hectolitres de blé. Malgré les crises du bas Moyen Âge et les dommages subis durant la guerre de Cent Ans, la grange et la ferme restèrent des éléments centraux d'une exploitation parmi les plus productives de la région. En 1791 les terres furent vendues comme biens nationaux et entrèrent dans les possessions de Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau ; par la suite la propriété changea plusieurs fois de mains jusqu'à l'installation de la famille Lecerf à la fin du XIXe siècle. Dès le début du XXe siècle Émile Lecerf fit construire une distillerie et fit évoluer la maison de maître ; la distillerie fonctionna jusqu'aux années 1970 et fut transformée en 1946. La grange elle-même, datée globalement du XIIIe siècle, mesure 72 mètres de long sur 23 mètres de large et couvre au sol 1 656 m2, ce qui en fait l'un des édifices agricoles cisterciens les plus imposants en France. Édifiée en pierre de Saint-Ouen, elle offre deux files d'arcades qui divisent l'espace en trois vaisseaux de treize travées, soutenus par douze piliers carrés ; les arcs brisés atteignent 13 mètres de hauteur et la charpente repose sur ces arcades et sur les murs gouttereaux. Le pignon sud-ouest, élevé à plus de vingt mètres, porte une tourelle d'escalier qui conduit à une petite salle de guet ; cet appareil, distinct du reste du mur, semble résulter d'aménagements liés à la fortification du domaine. À l'intérieur, des corbeaux rappellent l'existence d'une charpente ancienne ; le sol est aujourd'hui bétonné et le bâtiment conserve sa vocation de stockage. L'ensemble de la ferme est ceinturé par un mur en pierre, sans doute remanié au XIVe siècle et flanqué de deux tours en poivrière attribuées au XVe siècle, et comprenait autrefois un verger et un potager aujourd'hui transformés en champs. Parmi les autres éléments remarquables figurent un colombier circulaire attribué aux XVIe–XVIIe siècles, un puits et des caves voûtées dont l'une, profonde et voûtée en croisées d'ogives, est datée aux alentours de 1200. La grange a été classée au titre des monuments historiques dès 1889 ; le colombier, le puits et les caves ont été inscrits en 1990, et des restaurations ont depuis été menées sur certaines parties. La ferme s'est modernisée au XXe siècle ; les descendants de la famille Lecerf, aujourd'hui Plasmans, restent propriétaires d'une exploitation qui s'étend désormais sur environ 500 hectares et s'est diversifiée vers la betterave, le blé, l'oignon et la pomme de terre, avec une unité de conditionnement et une commercialisation sous la marque « Primanord ». La grange, qui n'est pas ouverte au public, est évoquée par une tradition orale la surnommant « grange du diable » et figure ponctuellement dans des présentations muséales, notamment une maquette au musée Archéa. Les études menées sur Vaulerent, en particulier celles de Charles Higounet et de chercheurs en architecture, ont fait de ce site un exemple majeur pour l'histoire des exploitations cisterciennes et de l'agriculture médiévale.