Origine et histoire du Gravier de Gargantua
Le Gravier de Gargantua est un menhir situé sur la commune de Port‑Mort, dans l'Eure. Il se trouve au bord de la route départementale 313, au nord‑ouest de la commune. Ce bloc de calcaire sénonien mesure 3,50 m de haut, 2,50 m de large et 0,70 m d'épaisseur. Il était autrefois plus haut, mais il a été brisé en deux lors de son déplacement au XIXe siècle ; le tronçon enterré d'un mètre est resté en place. Le monument est attribué au Néolithique. Des haches polies ou des pièces destinées au polissage ont été retrouvées à Port‑Mort. Auguste Le Prévost a été le premier à mentionner le menhir en 1832, le décrivant comme « un menhir conique de dix pieds de hauteur environ, et de cinq à six de largeur à sa base ». En 1879, le vicomte de Pulligny relate que, lors du déplacement pour l'aménagement d'une route, l'ouvrier chargé de l'opération a tranché le monolithe au ras du sol, laissant un tronçon enterré d'un mètre, puis a transporté la partie restante ; le marquis de Graville obtint que le monolithe fût réimplanté dans son orientation primitive. Léon Coutil, dans son Inventaire des menhirs et dolmens de France : Eure (1896), signale que M. de Graville fit également « réparer les angles inférieurs ». Le menhir a été classé au titre des monuments historiques par arrêté du 10 janvier 1923, le protégeant de nouvelles destructions. Plusieurs explications ont été avancées pour son origine ou sa fonction : Léon Coutil y voit, par analogie avec le Morbihan, une borne signalant la présence d'un dolmen à proximité, à l'emplacement de ce qui deviendra le Tombeau de Saint‑Ethbin ; d'autres propositions évoquent un repère pour un gué permettant de traverser la Seine ou la limite entre le royaume de France et le duché de Normandie au Moyen Âge. Le nom associe le menhir à Gargantua et donne lieu à des légendes comparables à celles observées ailleurs, bien que ce nom ne soit pas antérieur au XVIe siècle et ait été popularisé par Rabelais. Auguste Le Prévost rapporte en 1832 une version locale selon laquelle Gargantua, gêné par un gravier dans son sabot alors qu'il construisait la côte Frileuse, retira l'élément — l'énorme pierre — et le déposa à l'endroit où il se trouve aujourd'hui. Le vicomte de Pulligny relate en 1879 une variante où Gargantua, accompagné de son père Grangousier et pressé par des voleurs, s'assit, retira son soulier et en retira la pierre qu'il jeta en ce lieu, étonnant les habitants revenant du marché. La légende du gravier coincé dans la chaussure de Gargantua se retrouve au moins à Croth dans le même département, à La Turballe en Loire‑Atlantique et au hameau de la Roche à Goury (ancienne commune d'Auderville, Manche), où il s'agit d'un gros rocher naturel, ainsi qu'en Écosse pour la Clochoderick stone dans le Renfrewshire, où le nom de Gargantua laisse place à celui plus générique de « géant ».