Origine et histoire de la Grotte Chauvet
La grotte ornée du Paléolithique supérieur située au lieudit Combe d'Arc, dite grotte Chauvet ou grotte Chauvet‑Pont‑d'Arc, se trouve sur la commune de Vallon‑Pont‑d'Arc en Ardèche ; elle a été découverte en 1994 et portait initialement le nom de grotte ornée de la Combe d'Arc avant d'être désignée par le nom de l'un de ses découvreurs, Jean‑Marie Chauvet. Elle appartient à un ensemble de cavités ornées du Paléolithique supérieur qui jalonnent les gorges de l'Ardèche. Le site réunit près d'un millier de peintures et de gravures, dont 447 représentations d'animaux appartenant à quatorze espèces différentes. Des datations directes multiples (radiocarbone, uranium‑thorium, thermoluminescence, méthodes cosmogéniques) indiquent deux phases de fréquentation, l'une aurignacienne et l'autre gravettienne ; les œuvres réalisées pendant la première phase figurent parmi les plus anciennes connues et témoignent d'une grande diversité technique qui a remis en cause l'idée d'une évolution linéaire et progressive de l'art paléolithique. La grotte est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis juin 2014.
Située au lieu‑dit la Combe d'Arc, aussi appelé cirque d'Estre, entre 185 et 198 mètres d'altitude et à vingt‑cinq mètres sous le plateau calcaire, la cavité s'inscrit dans un ancien méandre de la paléo‑Ardèche dont l'encaissement a contribué à la formation du pont naturel du Pont d'Arc. L'entrée a connu plusieurs effondrements et a été définitivement obstruée par un éboulis d'environ 4 500 m3 au pied du rocher d'Abraham ; cet enrochement a favorisé la conservation du milieu souterrain.
La grotte a été découverte le 18 décembre 1994 par Jean‑Marie Chauvet, Éliette Brunel et Christian Hillaire lors d'activités spéléologiques privées ; après avoir repéré une mince ouverture, ils ont franchi un vestibule, repéré un « trou souffleur », dégagé une chatière par deux tirs et descendu un puits pour atteindre les premières galeries ornées où ils ont observé des tracés digitaux. Ils sont ressortis et ont obstrué l'accès, puis sont retournés le 24 décembre avec trois autres spéléologues pour réaliser relevés, photographies et film, avant que la DRAC ne soit informée et qu'une expertise scientifique ait lieu à la fin du mois de décembre ; le rapport de Jean Clottes recommanda de ne pas ouvrir la grotte au public et une première porte de protection fut installée en janvier, la découverte étant rendue publique le 18 janvier.
La découverte a donné lieu à une longue saga judiciaire et administrative. Une condamnation pour faux en écriture a été prononcée à l'encontre de trois hauts fonctionnaires, un protocole d'accord de février 2000 a attribué une indemnité aux découvreurs et a officialisé l'appellation « grotte Chauvet », et de nombreux litiges ont encore opposé inventeurs, collectivités et État autour du dépôt de marques, de l'expropriation et du montant des indemnisations ; les procédures ont conduit à des décisions judiciaires successives et à l'attribution d'une somme collective de 780 000 € aux anciens propriétaires, confirmée par une décision européenne, puis à un accord intervenu en 2018 par lequel le syndicat mixte a versé une somme aux inventeurs en contrepartie de droits photographiques et d'utilisation du nom, complétée par un prélèvement sur les recettes de la réplique. La réplique détaillée ouverte en 2015 a attiré plus de trois millions de visiteurs à la date de juillet 2023.
Pour préserver la cavité originelle, des travaux d'aménagement et des études d'incidence ont été conduits avant et après l'instrumentation par des laboratoires spécialisés, afin de définir les limites de fréquentation compatibles avec la stabilité climatique et sanitaire de la grotte ; celle‑ci ne sera jamais ouverte au grand public et les visites sur place restent strictement limitées, encadrées et soumises à des protocoles sévères (porte blindée hermétique, échanges d'air contrôlés, surveillance, équipement et tenue spécifiques, groupes de cinq personnes maximum accompagnés de deux agents). Depuis 1998 des missions pluridisciplinaires ont lieu deux fois par an avec une trentaine de chercheurs, les visites scientifiques étant elles aussi limitées en nombre et en durée, faisant de la grotte une référence pour la conservation des cavités ornées.
Sur le plan pariétal et paléontologique, la grotte Chauvet figure parmi les cavités majeures par la qualité et l'ancienneté de ses œuvres ; elle comprend neuf salles dont quatre grandes salles ornées aux plafonds culminant de quinze à trente mètres, des galeries latérales et des vestibules décorés. Les peintures de l'entrée sont exécutées à l'ocre rouge tandis que les secteurs plus humides du fond sont réalisés avec des pigments charbonneux ; les techniques employées sont variées (préparation des parois, gravures, tracés digitaux et palmaires, estompes, détourage, combinaisons de techniques, recherche de la perspective) et produisent des compositions animalières riches et complexes. Parmi les 447 figurations animales, 355 sont identifiables avec certitude : les félins représentent 21 % des figures certaines, les mammouths 19 %, les rhinocéros laineux 19 %, les chevaux 14 %, les bisons 9 %, les bouquetins 5 %, les ours 5 %, les rennes 4 %, les aurochs 3 % et les mégacéros 1 % ; les espèces dites « dangereuses » (félins, rhinocéros, mammouths) sont exceptionnellement fréquentes, dépassant les deux tiers du répertoire déterminé.
Plusieurs scènes remarquables illustrent la richesse thématique et narrative du site : un crâne d'ours posé sur un bloc, la composition dite « le Sorcier et la Vénus », unique représentation anthropomorphe, des couples d'animaux, des scènes de chasse et des dispositifs graphiques recourant à la superposition pour suggérer le mouvement. Les parois comportent aussi un répertoire de signes et symboles (ponctuations, croix, hachures, tracés digitaux « en spaghettis », nombreuses mains positives et négatives) et des éléments structurants tels que cinq triangles pubiens associés à la topographie interne. Un parcours virtuel proposé par le site archeologie.culture.fr permet de découvrir les spéléothèmes et les principaux panneaux, depuis la salle Brunel jusqu'à la salle du Fond.
Les recherches ont mis au jour une grande diversité faunique et de nombreux vestiges archéologiques — ossements, silex débités, charbons, structures de combustion, meules — ainsi que des empreintes animales et humaines, dont une piste d'empreintes attribuée à un enfant d'environ huit ans. Les datations radiométriques, multiples et réalisées parfois sur des prélèvements directement liés aux œuvres, confirment l'ancienneté du site et la succession de deux phases d'occupation aurignacienne et gravettienne, bien que des débats scientifiques subsistent sur l'attribution précise de certains motifs ; des études géomorphologiques ont montré le comblement progressif de l'entrée vers la fin de la période d'occupation, fournissant un cadre chronologique complémentaire aux datations.
La découverte de la grotte Chauvet a modifié la compréhension des capacités techniques et intellectuelles des artistes du début du Paléolithique supérieur : la maîtrise de procédés complexes et la création d'ensembles thématiques et spatiaux démontrent une pensée artistique élaborée, invitant à abandonner la lecture d'un art préhistorique strictement linéaire. Pour permettre au public de saisir l'importance du site sans compromettre l'original, une réplique fidèle, baptisée La Caverne du Pont‑d'Arc ou Grotte Chauvet 2, a été réalisée sur le site du Razal et ouverte en 2015 ; sa reconstitution numérique intégrale a reposé sur un relevé extrêmement précis de la cavité originelle.