Origine et histoire de la Grotte de La Marche
La grotte de la Marche est une cavité préhistorique située à Lussac‑les‑Châteaux, dans la Vienne, en Nouvelle‑Aquitaine. C'est l'un des sites archéologiques majeurs pour les gravures sur pierre du Magdalénien, ayant livré des plaques sculptées dans la couche du Magdalénien III selon Henri Breuil. Les sagaies de Lussac‑Angles, nommées d'après Lussac‑les‑Châteaux et Angles‑sur‑l'Anglin, constituent un fossile‑directeur typique du Magdalénien III. La cavité se trouve à 35 km au sud‑est de Poitiers, sur la rive nord de l'étang alimenté par un affluent de l'Arrault, en face du bourg de Lussac‑les‑Châteaux ; la Vienne coule à environ 2 km à l'ouest. La grotte des Fadets, découverte par A. Brouillet vers 1860, se situe à quelques centaines de mètres sur la même rive. En 1914, Henri Lavergne explora la grotte mais ne recueillit que quelques outils en silex. Dans les années 1930, un groupe de fouilleurs de Lussac‑les‑Châteaux, comprenant E. Raveau, le Dr Robert Soueix, Stéphane Lwoff, Léon Péricard, Jean Leclerc et d'autres, entreprit une exploration méthodique de la région. En 1937‑1938, des sondages menés dans le secteur de la Tannerie/Barboterie puis de la Marche mirent au jour un gisement riche ; en novembre 1937 Léon Péricard explora la cavité et l'associa aux travaux Stéphane Lwoff. Leur fouille révéla un site lithique exceptionnel ; Henri Breuil fut appelé, accompagna les chercheurs et confirma la présence de nombreuses plaques gravées, qu'il fouilla lui‑même à plusieurs reprises. Les découvertes furent consignées dans le bulletin de la Société préhistorique française et Lwoff publia ses premières études ; Henri Bégouën manifesta un doute initial sur l'authenticité des gravures, vite levé par la SPF et par Breuil. Les fouilles se poursuivirent jusqu'en 1945, date à laquelle elles furent interrompues par la mise en place de la loi sur les fouilles et le refus d'autorisation de poursuite. Lwoff laissa en arrière d'un pilier rocheux un témoin important de la couche archéologique contenant des pierres gravées, en accord avec les directives de Breuil. La grotte resta longtemps ouverte et non protégée ; en 1953 le Dr Pradel examina les déblais avec une autorisation verbale du professeur Patte mais remonta la couche laissée intacte par Lwoff ; ses résultats furent publiés dans une monographie, et il revint en 1957 et 1958. Des fouilles furent reprises par Jean Airvaux dans les années 1980, tandis que Lwoff poursuivit ses publications sur l'industrie lithique et osseuse. Le docteur Léon Pales et Marie Tassin de Saint‑Péreuse ont consacré plusieurs ouvrages à l'étude des pierres gravées de la Marche. En 1970 le préfet de la Vienne fit poser des grilles et la grotte fut classée en avril de la même année ; les deux inventeurs du site sont inhumés au cimetière de Lussac sans marque d'hommage. L'occupation du site est attribuée au Magdalénien III, moyen Aquitain (IV), entre environ 17 000 et 12 000 ans AP. La collection comporte 1 512 plaques de calcaire gravées, unique par son abondance ; une grande partie est conservée au Musée de l'Homme et certaines au musée de la préhistoire de Lussac‑les‑Châteaux. Léon Pales et Marie Tassin utilisèrent des techniques alors novatrices — empreintes, relevés, calques, photographies — ce qui permit de décrire de nombreuses formes et figures souvent difficiles à lire à cause de lignes entremêlées ; l'une des plaquettes représente un visage humain vu de face. Aucun autre site n'a livré une quantité comparable de pierres gravées ; en Aquitaine, ces plaques et la frise pariétale d'Angles‑sur‑l'Anglin sont des références du Magdalénien III. Selon André Leroi‑Gourhan, la grotte de la Marche est « le plus riche en œuvres d'art mobilier », après El Parpalló en Espagne. Le site a livré plusieurs centaines de scories volcaniques de la taille d'un poing, provenant vraisemblablement du Massif Central, à au moins 200 km. On y trouve aussi des os hyoïdes à encoches latérales, similaires à ceux découverts à La Güelga, Tito Bustillo et Abauntz, ce qui témoigne d'échanges ou de connexions à longue distance. Toutefois, certains objets témoignent de réseaux plus locaux : les dents de poulain gravées d'un triangle pubien se rencontrent principalement entre la Vienne et la Charente (Angles, La Marche, Montgaudier), un seul exemplaire étant connu hors de cet espace, à Laugerie‑Basse, à environ 100 km.