Période
Paléolithique
Patrimoine classé
Grottes dites Grande Grotte, Abri du Lagopède, Grotte du Cheval, Grotte de l'Hyène, Grotte du Trilobite, Grotte des Ours, Grotte du Renne et Galerie Schoepflin, Grotte du Bison, Grotte du Loup, Grotte du Lion, Grotte des Fées, Grotte des Deux Cours, Petit et Grand Abri, Grotte des Goulettes (cad. D 1562) : inscription par arrêté du 12 novembre 1992 (abrogé) ; Les grottes préhistoriques sises sous les parcelles cadastrales n°1562 à 1565 de la section D, les parcelles n°47, 48, 50 et 68 de la section ZO, ainsi que sous la voie communale n° 6, non cadastrée : classement par arrêté du 6 avril 2018.
Origine et histoire des Grottes préhistoriques
Les grottes d'Arcy‑sur‑Cure, situées dans la vallée de la Cure sur la commune d'Arcy‑sur‑Cure (Yonne, Bourgogne‑Franche‑Comté), forment un ensemble karstique et archéologique majeur. Elles s'ouvrent dans la falaise du dernier grand méandre de la rivière, face au sud, à proximité du village d'Arcy et du site de Saint‑Moré. Le réseau compte près de cinq kilomètres de galeries et se développe sur plusieurs niveaux disposés entre des porches à linteau et des porches triangulaires selon l'orientation des diaclases. Les cavités ont livré une séquence stratigraphique longue et riche, couvrant des occupations depuis le Moustérien ancien jusqu'au Paléolithique final, avec des traces d'usage ponctuelles jusqu'au Moyen Âge. En raison de la diversité des vestiges lithiques, osseux, fauniques, anthropologiques et de l'art pariétal, le site offre un contexte rare pour des approches interdisciplinaires et diachroniques. La grotte du Renne est particulièrement importante pour l'étude des derniers Néandertaliens et de la transition vers Homo sapiens ; elle a livré notamment un grand nombre de vestiges humains et des industries du Châtelperronien. Les peintures de la Grande grotte, mises au jour en 1990, comptent parmi les plus anciennes de France après la grotte Chauvet et figurent parmi les plus anciennes accessibles au public. Un petit bloc de pigment bleu, unique en France, a été découvert sur le site. Les archives scientifiques des fouilles sont conservées au Pôle archives de la Maison des Sciences de l’homme Mondes. Géologiquement, le massif est un récif corallien jurassique constitué principalement d'Argovien et de Rauracien, recouvert localement de marnes et d'oolithes ; ces couches ont été creusées par l'action de la Cure et par des infiltrations liées à des failles et diaclases. Le creusement a généré des cavités à différentes hauteurs au‑dessus du lit actuel de la rivière, la majorité des entrées se situant entre 0 et 6 mètres au‑dessus de la Cure. Certaines galeries restent actives et contiennent un cours d'eau permanent, tandis que d'autres sont fossiles ou partiellement obstruées par des éboulis et des concrétionnements accumulés jusqu'à l'Holocène. Les grottes sont connues et fréquentées depuis plusieurs siècles : la Grande grotte est mentionnée dès 1666 et a fait l'objet de descriptions et de visites de naturalistes, d'hydrologues et de voyageurs aux XVIIe et XVIIIe siècles. Des fouilles et découvertes majeures ont eu lieu aux XIXe et XXe siècles, notamment les travaux de Ficatier, de l'abbé Parat, de Paul de Vibraye et plus tard ceux de Pierre Poulain et d'André Leroi‑Gourhan. Les campagnes de fouilles menées par Leroi‑Gourhan à partir de 1946 ont structuré l'étude du site et instauré une méthodologie pluridisciplinaire qui a permis d'établir une chronologie détaillée de plusieurs grottes. La découverte de gravures dans la grotte du Cheval en 1946 et l'ouverture de chantiers‑école ont marqué l'histoire scientifique du site. Des nettoyages mal maîtrisés, notamment un décapage à haute pression en 1976 et des interventions répétées jusqu'en 1990, ont endommagé des concrétions et masqué des peintures, dont la réapparition a été rendue possible par la suite. Les vestiges humains sont nombreux et dispersés entre plusieurs collections ; la grotte du Renne a livré environ 250 pièces humaines, et des restes ont été trouvés dans la Hyène, le Loup, le Bison, la galerie Schoepflin et la grotte des Fées. Le site a également produit des séries remarquables d'industries osseuses et de parures châtelperroniennes et gravettiennes, ainsi que des objets en ivoire et des échanges de matériaux en provenance de zones distantes. Hydrologiquement, le réseau comporte deux grands systèmes distincts traversant le massif du sud au nord : l'ensemble Goulettes‑Barbe‑Bleue et l'ensemble Fées‑Moulinot, reliés par trois chenaux principaux. Ces galeries basses restent soumises au risque de crues rapides de la Cure, qui ont à plusieurs reprises provoqué des inondations dangereuses pour les explorateurs. Les spéléothèmes de la région présentent des rythmes de croissance très variables et parfois rapides, avec des planchers stalagmitiques successifs qui compliquent l'interprétation stratigraphique et la datation des occupations. Afin de protéger l'art pariétal, des études pluridisciplinaires se sont engagées pour comprendre la formation des couches de calcite et pour tenter de contrôler la calcification afin d'obtenir des dépôts translucides compatibles avec la conservation des peintures. Les peintures et gravures de la Grande grotte sont réalisées en noir (charbon) et en rouge (ocre) ; elles comprennent mains positives et négatives, un bestiaire varié et des compositions adaptées aux reliefs naturels, et environ 282 peintures étaient visibles en 2016. Le site est protégé au titre des monuments historiques et la Grande grotte reste ouverte au public, accueillant un nombre important de visiteurs chaque année, tandis que d'autres cavités sont accessibles dans le cadre de visites scientifiques sur réservation.