Origine et histoire de l'hôpital Caroline
À partir du XVIIe siècle, un programme de construction de lazarets est instauré pour isoler les navires et prévenir la propagation des épidémies par les équipages, les passagers ou les marchandises. La quarantaine se pratiquait d'abord dans le port de l'île de Pomègues, où Louis XIII avait autorisé la construction de halles pour mettre en purge les marchandises. Au XVIIIe siècle, les autorités sanitaires envisagent d'installer sur Pomègues un lazaret plus complet, mais le projet n'est réalisé que le siècle suivant sur l'île voisine du Ratonneau. Dans un contexte de croissance du trafic marseillais et d'installations insuffisantes à Arenc et à Pomègues, le Service Sanitaire Maritime confie en 1821 à Michel-Robert Penchaud la construction d'une grande infirmerie destinée à prévenir les risques d'épidémie, notamment de fièvre jaune. Penchaud propose initialement un hôpital pour 200 malades et 60 convalescents, mais les contraintes budgétaires ramènent le programme à 48 malades et 24 convalescents. Les travaux s'étendent de 1823 à 1828 et donnent naissance à l'hôpital Caroline, bâti sur l'île du Ratonneau. La chapelle est dressée au centre du lazaret et conçue pour être visible depuis les bâtiments périphériques et depuis le plan d'eau du port, permettant aux malades d'assister aux offices sans quitter leurs dortoirs grâce à des parties vitrées entre les colonnes. La capitainerie, au cœur du dispositif, fait office de point de surveillance et de commandement pour l'ensemble des bâtiments isolés par une enceinte. En accord avec les pratiques sanitaires de l'époque, l'architecture privilégie l'aération, la proximité de la mer, l'isolement strict et la facilité de surveillance ; les bâtiments sont conçus selon un module de base répétitif, réalisé avec économie et éléments calibrés. Par fidélité aux Bourbons, l'établissement prend le prénom de Caroline, duchesse de Berry ; il sera par la suite appelé hôpital Ratonneau puis, en 1923, hôpital Proust, sans que le nom de Caroline cesse de prévaloir. L'hôpital et la chapelle subirent en juin 1831 de graves dégâts dus aux intempéries et firent l'objet d'une importante réhabilitation en 1850 conduite par l'architecte Vaucher. À la fin du XIXe siècle, la disparition des grandes épidémies de choléra rend le lazaret obsolète comme instrument de quarantaine ; l'établissement sert alors surtout pour les militaires malades venus d'Afrique du Nord et des armées d'Orient. Le service de santé militaire abandonne les îles du Frioul en 1928 et la Marine nationale prend ensuite en charge les infrastructures. Les bâtiments sont utilisés une dernière fois en 1941 lors d'une épidémie de typhus dans les prisons de Marseille ; fin 1942 l'archipel est occupé par les forces armées allemandes. Les installations, y compris le lazaret, sont sévèrement bombardées à la Libération par l'aviation et la marine alliée. Après avoir été abandonné, le site est acquis par la ville de Marseille en 1978 et inscrit au titre des monuments historiques le 5 août 1980. De 1978 à 2004, l'Association Caroline mène des actions de réhabilitation et mobilise bénévoles, chantiers de réinsertion et partenaires publics pour restaurer plusieurs pavillons, la chapelle et des éléments d'enceinte. En 2007, l'association Acta Vista prend la suite des travaux, sécurise et restaure de nombreux bâtiments, mène des chantiers‑école et forme plus de 500 personnes demandeuses d'emploi aux métiers du patrimoine sur ce site. L'hôpital Caroline, associé aux ports de Pomègues et du Frioul, formait autrefois le « Lazaret des îles », considéré comme le plus vaste et le meilleur de Méditerranée. Aujourd'hui, la restauration du site se poursuit et il accueille des activités culturelles et des visites publiques organisées par des associations partenaires.