Origine et histoire de l'Hôpital de la Salpêtrière
L'hôpital de la Pitié‑Salpêtrière, situé 47‑83 boulevard de l'Hôpital dans le 13e arrondissement de Paris, relève de l'Assistance publique‑Hôpitaux de Paris et forme aujourd'hui, après la réunion de la Salpêtrière et de la Pitié en mars 1964, l'hôpital de la Pitié‑Salpêtrière dépendant du groupe hospitalo‑universitaire AP‑HP Sorbonne Université ; en 2013, cet ensemble comprenait plus de 90 bâtiments répartis sur 33 hectares. L'origine du site remonte à une salpêtrière destinée à la fabrication de poudre établie en 1634 sur des terrains de l'abbaye Saint‑Victor ; l'entreprise fut cédée en 1639, puis acquise par le roi. En 1656 Louis XIV confia à Libéral Bruant la transformation des anciens bâtiments en hôpital ; les travaux commencés en 1658 sous la direction d'Antoine Duval furent interrompus pour manque de financement puis repris en 1669 sous Louis Le Vau. La Salpêtrière devint le premier et le plus important établissement de l'Hôpital général de Paris, créé pour le renfermement des mendiants. Entre 1663 et 1673, plus de 770 jeunes femmes envoyées par Louis XIV pour peupler la Nouvelle‑France furent embarquées au départ de France sous le nom de « Filles du Roi », et 240 d'entre elles parmi les 327 originaires de Paris et sa région quittèrent l'enclos de la Salpêtrière. En 1684 on y ajouta une « maison de force », une prison de 300 places destinée aux femmes condamnées ou aux prostituées en attente de déportation, située au lieu‑dit des Deux‑Moulins sur la commune d'Ivry. La supérieure, souvent proche des milieux parlementaires jansénistes, jouait un rôle éminent au sein de l'Hôpital général ; la nomination en 1749 d'une supérieure proche de l'archevêque provoqua une importante contestation connue comme l'affaire de l'Hôpital général. À la veille de 1789 l'hospice, alors le plus vaste du monde, accueillait environ dix mille personnes et la prison plus de trois cents détenus. Pendant la Révolution, notamment les 3 et 4 septembre 1792, des scènes sanglantes eurent lieu dans la prison où des femmes aliénées indigentes avaient été entassées. Jusque vers le XVIIIe siècle la Salpêtrière n'avait pas de vocation médicale et ses malades étaient dirigés vers l'Hôtel‑Dieu ; une lettre patente du 22 juillet 1780 modifia cette situation et l'architecte Payen acheva en 1787 une infirmerie d'environ 300 lits. Charles‑François Viel œuvra de 1781 à 1801 pour transformer l'hospice en hôpital de soins ; la population fut ramenée à environ 4 000 personnes au début du XIXe siècle et l'établissement devint un asile pour aliénées où des médecins comme Pinel et Esquirol mirent en œuvre le traitement moral, la suppression de l'enchaînement et la création de divisions spécialisées selon la nature de la folie. De 1882 à 1892 l'École de la Salpêtrière, dirigée par Jean‑Martin Charcot, fut l'une des grandes écoles françaises de l'âge d'or de l'hypnose, et à la fin du XIXe siècle l'hospice organisait chaque année, à l'occasion de la Mi‑Carême, le célèbre bal des folles ainsi qu'un bal des enfants épileptiques. Après la démolition de l'ancien hôpital de la Pitié en 1896, le nouvel établissement fut construit en 1911 sur un site jouxtant la Salpêtrière et inauguré le 19 mars 1913 ; les deux hôpitaux fusionnèrent en mars 1964. Le 14 décembre 1974 l'hôpital fit l'objet d'une double protection au titre des monuments historiques, comprenant un classement pour divers pavillons et bâtiments et une inscription pour les sols de plusieurs cours. L'hôpital accueille depuis septembre 2010 l'Institut du cerveau et de la moelle épinière et abrite le siège de la faculté de médecine de Sorbonne Université. La chapelle Saint‑Louis, construite sous Louis XIV par Libéral Bruand entre 1670 et 1677, est implantée au centre du complexe ; elle présente une composition en croix grecque dont les bras de 70 mètres se croisent dans une rotonde couronnée par une coupole de 65 mètres de hauteur. À l'intérieur, la chapelle se déploie en quatre nefs autour de la rotonde ; l'autel, placé au centre, est visible depuis les quatre nefs afin de permettre aux assistants de suivre les offices de façon séparée, et d'autres chapelles occupent les angles de la croisée. Le parc de la Hauteur a reçu des sculptures de Roger Vène acquises pour la commémoration des 400 ans de l'hôpital en 2013. Sous le porche de l'entrée principale subsiste une inscription ordonnant que « les cochers doivent mener leurs chevaux dans l’intérieur de l’hôpital », et les Petites Loges, reconstruites par Charles‑François Viel entre 1786 et 1789, furent l'endroit où Pinel étudia les aliénées et entreprit de les affranchir de leurs chaînes. La Maison de la Force, édifiée en 1684, servit de prison pour femmes et fut le lieu des massacres de Septembre ; elle fut aussi utilisée pour la détention des prostituées avant leur déportation vers le Québec ou la Louisiane. Le Petit Arsenal, vestige de l'arsenal préexistant à l'Hôpital général, abrite aujourd'hui la lingerie ou la buanderie. Parmi les architectes associés à la Salpêtrière figurent Antoine Duval, Libéral Bruant, Louis Le Vau, Pierre Le Muet et Henri Prudhomme. De nombreux médecins célèbres y ont exercé, parmi lesquels Jean‑Baptiste Pussin, Philippe Pinel, Jean‑Étienne Esquirol, Guillaume Duchenne, Jean‑Martin Charcot, Pierre Marie, Georges Gilles de La Tourette, Joseph Babinski, Pierre Janet, Paul Richer, Paul Segond, Sigmund Freud (élève de Charcot en 1885), et Achille Souques. D'autres figures médicales liées à l'établissement incluent Aristide Verneuil, Pierre‑Augustin Béclard, Étienne‑Jean Georget, Jean‑Pierre Falret, Ernest‑Charles Lasègue, Alfred Vulpian, Octave Terrillon, Ivan Bertrand, Christian Cabrol, Jacques Lisfranc, Daniel Widlöcher et Raymond Roy‑Camille. La Salpêtrière a servi de décor à plusieurs films, parmi lesquels Cléo de 5 à 7 (1962) d'Agnès Varda, Du soleil plein les yeux (1969), Tanguy (2001), Augustine (2012), Le Bal des folles (2021) et des scènes du feuilleton Vidocq (1967) ; le film Captives d'Arnaud des Pallières, évoquant le bal des folles, est mentionné comme sorti en février 2024. Plusieurs romans et récits s'inspirent de l'hôpital ou y situent des épisodes, notamment Le Bal des folles de Victoria Mas (2019), Blanche et Marie de Per Olov Enquist (2005), Réparer les vivants de Maylis de Kerangal (2014), ainsi que des œuvres évoquant l'enfermement des protagonistes. Le site est desservi par les stations de métro Saint‑Marcel et Chevaleret.