Origine et histoire
L'hôtel-Dieu de Tonnerre, également nommé hôtel-Dieu Notre-Dame-des-Fontenilles ou vieil hôpital, est un ancien établissement hospitalier fondé en 1293 par Marguerite de Bourgogne à Tonnerre, en Bourgogne ; il abrite aujourd'hui un musée. C'est l'un des plus anciens établissements hospitaliers et le plus long hôpital médiéval d'Europe ; il est classé au titre des monuments historiques depuis 1862. Marguerite de Bourgogne lança la construction en mobilisant d'importants moyens financiers et des matériaux provenant des carrières et bois voisins, ce qui permit d'achever l'édifice en deux ans ; l'hôpital ouvrit en 1295 avec environ quarante lits. Vers 1305 la Vierge dorée fut placée dans le chœur de la Grande Salle et Marguerite fut inhumée dans ce même chœur en 1308. En 1454 Lancelot de Buronfosse fit don d'une Mise au Tombeau sculptée par Georges et Michiel de la Sonnette. Entre 1642 et 1648 un second hôpital fut édifié pour remédier aux problèmes d'humidité du premier ; ces bâtiments, aujourd'hui disparus sauf la buanderie, entouraient la cour devenue jardin. La Grande Salle désaffectée servit de lieu de sépulture jusqu'en 1777. Une extension fut réalisée entre 1763 et 1767 à la place de l'ancien portail pour accueillir plusieurs salles, dont une pour le conseil d'administration et un cabinet de chirurgie ; la partie basse abrite désormais l'office de tourisme et la partie haute le musée. En 1785 une méridienne fut tracée au sol de la Grande Salle, puis en 1793 la salle fut utilisée comme halle et magasin de paille : la flèche du clocher fut détruite et les métaux de la méridienne et du tombeau de Marguerite furent pillés. En 1819 les descendants de Louvois installèrent dans la chapelle gauche de la Grande Salle le tombeau reconstitué de Louvois, et en 1826 un nouveau tombeau de Marguerite, œuvre de Bridant, fut placé à l'emplacement de l'ancien. Le pavillon Dormois fut construit en 1850 pour pallier le manque de place et, au début du XXe siècle, une campagne conduite notamment par Clément Georges Lemoine permit de sauvegarder le vieil hôpital face à un projet municipal de marché. Entre 1960 et 1982 la construction du nouveau centre hospitalier mit fin à l'activité hospitalière de l'hôtel-Dieu, dont le nouvel établissement resta propriétaire.
L'ensemble d'origine comprend la Grande Salle des Pauvres, accessible par un porche occidental et destinée aux soins des indigents ; elle est terminée par un chœur à abside polygonale flanqué de deux chapelles et comportait quatre autels dédiés à la Vierge Marie, à saint Jean-Baptiste, à sainte Marie-Madeleine et à sainte Élisabeth de Thuringe. Au dos du chœur et de la chapelle sud se tient la sacristie, réaménagée en 1454 pour accueillir la Mise au Tombeau ; au nord de la Grande Salle s'étendait le cimetière, entouré de dépendances et de trois corps de logis démolis en 1838, dont l'un, appelé « Château », servait de résidence à la fondatrice. La Grande Salle, de style gothique, mesure 96 m de long avec l'abside (88,5 m sans), 21,5 m de large et 20 m de haut ; son vaisseau est soutenu par des contreforts, percé de fenêtres jumelées en arc brisé inscrites dans des embrasures en arc surbaissé et couvert d'un berceau lambrissé en chêne laissant voir entraits et poinçons de la charpente, tandis que le chœur, les chapelles et l'ancienne sacristie sont voûtés d'ogives. Une tour d'escalier carrée permet l'accès à une pièce voûtée au-dessus de la chapelle gauche et aux combles ; la façade de la salle Courtanvaux, issue de l'extension du XVIIIe siècle, présente un avant-corps surmonté d'un fronton cintré et un grand palier formant tribune domine l'ensemble. Le toit à longs pans et croupe polygonale est couvert de tuiles plates et un clocheton hexagonal à essentage d'ardoise le surmonte à l'ouest.
Parmi les éléments remarquables, la méridienne tracée au sol de la Grande Salle en 1785-1786 fut réalisée par Dom Camille Férouillat à l'initiative du maître des requêtes Guermadeuc, avec la vérification des calculs par l'astronome Lalande ; elle permet d'indiquer le midi solaire vrai et le midi moyen et de repérer les mois, les saisons, solstices, équinoxes et signes astrologiques. Le tombeau de Louvois, transféré à Tonnerre en 1819, est un monument de marbre et de bronze réalisé par Girardon, Desjardins et Van Clève ; Louvois y figure allongé, entouré de sa femme, d'allégories et d'armoiries. Le tombeau primitif de Marguerite, en cuivre et bronze, fut pillé en 1793 mais ses restes furent préservés ; le tombeau actuel de 1826 en marbre blanc la représente assise et couronnée, la Charité soutenant son corps et tenant son cœur, allusion au don mentionné dans le codicille de sa fondation. La Vierge à l'Enfant et au Buisson ardent, commandée vers 1305, est une statue dorée de 2,10 m placée au-dessus du maître-autel, où Moïse en prière figure aux pieds de la Vierge pour représenter l'ensemble de la Bible. La Mise au Tombeau de 1454, œuvre de Georges et Michiel de la Sonnette, est taillée dans la pierre locale, à l'origine polychrome, et met en scène le Christ allongé entouré de plusieurs personnages, deux gardes romains ayant disparu. Le maître-autel du chœur, daté du XVIe siècle, est en bois peint de style Renaissance, encadré par piliers corinthiens et orné de statues de saint Augustin et de saint Pierre, avec un tableau du crucifiement de saint Pierre surmonté de la Vierge dorée.
Le musée installé dans l'extension du XVIIIe siècle retrace l'histoire de l'hôpital en présentant la charte de fondation de 1293, des objets liturgiques et de la paramentique dont des chasubles du XVIe siècle, des fragments de vitraux, des statuettes médiévales, du mobilier, des bijoux de Marguerite et de son époux ainsi que des reconstitutions d'une chambre d'hôpital du XIXe siècle et d'un bloc opératoire du début du XXe siècle.