Origine et histoire de l'Hôtel Particulier
L’hôtel de Brancas, situé au 6 rue de Tournon dans le 6e arrondissement de Paris, est un hôtel particulier marqué par de nombreuses strates historiques et ne doit pas être confondu avec l’hôtel de Brancas d’Aix-en-Provence. Construit entre 1710 et 1713 par l’architecte Pierre Bullet pour Jean-Gaston-Baptiste Terrat, il résulte d’aménagements successifs plutôt que d’une reconstruction intégrale. À l’origine un simple corps de logis au XVIe siècle, il prend au XVIIe siècle un plan en U avec deux ailes encadrant une cour d’honneur sous l’impulsion du chancelier Terrat, puis son aspect général est harmonisé au XVIIIe siècle à la demande du marquis de Brancas. Au XIXe siècle, l’hôtel accueille de nombreuses générations de libraires qui vivent sur place, installent des ateliers au fond du jardin (aujourd’hui disparus) et aménagent leur bibliothèque dans l’ancienne orangerie au nord de la cour. La parcelle est scindée en deux en 1881 et perd son accès à la rue Garancière ; un bâtiment en brique est ajouté au fond du jardin au début du XXe siècle, et plusieurs campagnes de restauration ont été menées au cours du siècle suivant. Depuis soixante ans, l’hôtel appartient à une seule famille ; une grande partie reste affectée à l’habitation, tandis que les espaces du rez-de-chaussée au sud conservent une vocation commerciale.
L’histoire de la propriété est marquée par de nombreux propriétaires et usages. Jean-Baptiste Terrat achète le terrain à Nicolas Renouard de Chanteclair avant de faire édifier l’hôtel ; en 1719, le financier Jean-Baptiste Petit-de-Saint-Lienne en fait l’acquisition pour la somme de 391 863 livres, puis le revend quelques années plus tard. De 1733 à 1742, l’hôtel est affermé à l’Académie royale d’équitation, où François Robichon de La Guérinière enseigne l’art équestre avec François Nicolas Desprez. En 1752, l’édifice est acquis par Bugnet, conseiller d’État, parmi des vendeurs figurent Lanfernat, comte de Villars, et Chauvel, grand-bailli d’Orléans ; il passe ensuite en 1775 au duc de Brancas. Pendant la Révolution, Jean-Nicolas Pache y réside ; le mathématicien et physicien Pierre-Simon de Laplace y habite également et s’y trouve encore en 1808. Selon le Dictionnaire des rues de Latynna, il a fait partie de l’« hôtel de Montmorency-Laval » en 1816.
Plus tard, l’immeuble appartient à des libraires tels que Bossange et Masson, avant d’être occupé par le bibliophile Renouard qui quitte la rue Saint-André-des-Arts pour s’y installer. Parmi les habitants figuraient aussi Alexandre Ribot et le docteur Ricord, qui y décède en 1889. Au rez-de-chaussée, le libraire Henri Loones tient boutique en 1880, et en 1900 les lieux abritent le Concert Rouge. De 1947 à 1950, une partie des équipes de recherche de l’École des hautes études en sciences sociales est logée à cette adresse, et certaines archives, notamment le fonds Clément Heller, y demeurent jusqu’en 1980. Aujourd’hui, le rez-de-chaussée sur rue accueille la Librairie Renouard et les Éditions Henri Laurens, et l’Institut français d’architecture se trouve dans l’ensemble.
L’ensemble fait l’objet d’une protection au titre des monuments historiques depuis le 23 juillet 1970 : les façades et toitures sur rue, la cour et les jardins, le portail d’entrée, l’escalier, le salon et le boudoir sont inscrits et classés.