Origine et histoire de l'Hôtel de Burtaigne
L’hôtel dit de Gournay‑Burtaigne, situé aux n° 4 et 6 de la place des Charrons, dans le quartier Outre‑Seille à Metz, est une demeure patricienne élevée au début du XVIe siècle pour Michel de Gournay. Un second corps de bâtiment, aujourd’hui le n° 6, lui fut ajouté peu après ; le premier conserve des caractéristiques du gothique tardif tandis que le second marque une évolution vers la Renaissance. L’édifice a connu d’importantes transformations aux XVIIe et XVIIIe siècles : ouverture et remaniement des fenêtres, aménagements intérieurs, construction d’un escalier d’honneur et modification de la façade sur rue. Classé au titre des monuments historiques en 2006, il illustre la transition architecturale entre Moyen Âge et Renaissance et témoigne des usages successifs liés à la ville.
La première mention connue de l’hôtel date de 1531, année où s’y tient un mariage au cours duquel s’effondre la galerie récemment construite sans faire de victimes, anecdote relatée dans les chroniques locales. L’emplacement, proche du Champ‑à‑Seille et jouxtant la Seille, offrait un accès commode aux flux commerciaux et permettait le débarquement des marchandises provenant d’Allemagne. Après la mort de Michel de Gournay, la maison passe à son fils Jacques ; plusieurs récits lui attribuent sans preuve le rôle de quartier général du duc de Guise lors du siège de 1552, hypothèse que les sources principales ne confirment pas.
La datation par dendrochronologie situe l’achèvement de la partie principale peu après 1523 et au plus tard en 1531 ; la charpente du n° 6 date, elle, d’après d’autres mesures, d’après 1534 ou 1544. La toiture basse en forme de pointe de diamant et les bandeaux moulurés ponctués de frettes crénelées rappellent les usages messins ; ces frettes portent des décors sculptés, notamment des grotesques et un lion tenant un écusson. Des fenêtres à meneaux et croisées de style Renaissance subsistent en copies modernes au‑dessus du porche ; la plupart des baies furent remaniées au XVIIe siècle pour accroître la luminosité.
Les aménagements intérieurs ont été transformés à la fin du XVIIe siècle avec lambris d’appui, cheminées en marbre et plâtrages masquant des plafonds plus anciens ; à la même période une porte piétonne fut ajoutée sur la rue, et au XVIIIe siècle la fermeture partielle du lit de la Seille permit l’ouverture d’une porte cochère. La Seille fut canalisée en 1740 et des remaniements ultérieurs ont modifié la composition urbaine autour de l’hôtel, notamment avec des travaux néo‑renaissance au début du XXe siècle et la transformation des mansardes en logements en 1953. Touchée par un obus pendant la Seconde Guerre mondiale, la façade au‑dessus du porche a été restaurée après 1945 et pourvue de meneaux reconstitués.
Le n° 6 semble avoir servi de salle de réception, comme l’indiquent des médaillons sculptés au niveau du piano nobile, et son porche, bien que Renaissance, ne respecte pas strictement la symétrie de l’ensemble. Au XVIIIe siècle, le premier étage fut remanié et employé comme atelier d’imprimerie ; au XIXe et XXe siècles, cette partie accueillit des activités commerciales, notamment un commerce de fer et des entrepôts industriels qui, édifiés en 1947 à l’arrière, se sont adossés sans égard à la façade historique. Un projet mené en 2009 a toutefois entraîné la démolition partielle de ces entrepôts et le dégagement de la façade originelle.
Les caves révèlent des phases de construction distinctes : au n° 4, des nefs voûtées à arcs d’encorbellement et une organisation qui ne correspond pas exactement à la partie aérienne laissent supposer la réutilisation d’éléments plus anciens ; les voûtes du n° 6 sont orientées différemment. Des accès anciens aux caves sont encore visibles près du porche, bien que certaines portes sur rue aient disparu lors de remaniements.
Au fil des siècles, l’hôtel a connu des affectations variées : il a abrité une chapelle protestante destinée aux soldats mercenaires suisses au XVIIe siècle, des bureaux de la Ferme générale au XVIIIe siècle, des imprimeries et des commerces au XIXe siècle, et il a été la demeure de personnages liés à la vie religieuse et sociale de Metz, comme Caroline Carré de Malberg, qui y passa son enfance. Plusieurs familles et activités commerciales s’y sont succédé, et le bâtiment a également été le lieu de naissance de militaires notables.
Racheté en 1974 par Jean‑Marie Diligent, l’hôtel a fait l’objet d’une campagne de restauration qui a conduit au classement partiel de certains éléments en 1988 et 1991, puis au classement de l’ensemble des deux édifices en 2006. Des projets et transactions récentes ont suscité des débats locaux, et le bâtiment doit à nouveau faire l’objet de travaux de restauration confiés au Groupe François Ier.