Origine et histoire
L'Hôtel de l'Europe, ancien hôtel particulier du XVIIe siècle situé dans le 2e arrondissement de Lyon, est partiellement classé et inscrit au titre des monuments historiques ; l'arrêté le plus récent date du 10 septembre 1996. Élevé en 1653 sur l'emplacement de l'ancienne douane du port du Roy, il fut construit sur les plans de Girard Desargues pour le riche Pierre Perrachon de Saint-Maurice. L'escalier monumental encore en place porte l'empreinte de Desargues, dont la carrière mêla commerce, ingénierie, mathématiques et architecture. À l'origine doté d'un grand jardin, l'hôtel vit celui-ci progressivement morcelé au profit de constructions que son propriétaire fit édifier à la fin du XVIIe siècle. Au début du XVIIIe siècle, la demeure fut ornée par le peintre lyonnais Daniel Sarrabat, qui décora les salons du second étage et réalisa des cycles mythologiques pour les cabinets dits d'Hercule et de Minerve. Les huit toiles du décor ne restèrent pas toutes sur place ; cinq tableaux du cycle d'Hercule, conservés au château de Pizay, ont cependant été restitués lors d'une campagne de restauration en 1995. Après la Révolution, l'hôtel particulier fut transformé en hôtel de voyageurs et acquit sous le Consulat la réputation d'un « palace des grands de ce monde ». La demeure reçut au XIXe siècle de nombreuses personnalités — parmi lesquelles Talleyrand, Charles IV d'Espagne, des princesses russes, les comédiens Talma et Rachel, Madame Récamier, Napoléon, le duc d'Orléans, puis, au Second Empire, le duc d'Aumale, Napoléon III, le roi Alphonse XII d'Espagne, Mérimée, Abd el-Kader et Maximilien II de Bavière — et conserva une renommée internationale jusque dans la Troisième République. Le bâtiment a connu de multiples transformations extérieures au XIXe siècle : surélévation des toitures et création de nouveaux niveaux au‑dessus du portail, conséquences des travaux du quai et modifications liées à la démolition du pont Bonaparte, et installation, entre 1873 et 1900, d'une verrière couvrant la salle de bal, démolie en 1970. L'activité hôtelière déclina au tournant du XXe siècle, faute de gestion, et l'exploitation cessa après des tentatives de relance qui se soldèrent par des faillites. L'hôtel fut acquis le 13 mars 1924 par l'Union des syndicats agricoles du Sud-Est, qui s'y installa ensuite, et le bâtiment servit entre 1942 et 1944 d'antenne régionale à la Corporation paysanne sous le régime de Vichy. À partir de 1975-1976 il fut occupé par des services annexes du tribunal de grande instance de Lyon ; ce tribunal rejoignit la nouvelle cité judiciaire en 1995 et la Caisse d'assurance mutuelle agricole Groupama prit alors la suite, transformant l'édifice en logements, bureaux et commerces. Le ministère de la Culture a inscrit en 1996 aux monuments historiques l'hôtel, ses parties anciennes et ses peintures, et les restaurations menées depuis 1997 ont cherché à mettre en valeur l'architecture du XVIIe siècle et les décors intérieurs. Les protections concernent le bâtiment (hors surélévations des toitures), le grand escalier et sa rampe, la salle à plafond à caissons du premier étage ainsi que les deux salons du second étage — salon dit de Minerve et salon dit d'Hercule — avec leurs décors. Les travaux ont porté en particulier sur la toile représentant Hercule apportant à Eurysthée la ceinture de la reine des Amazones, sur les plafonds de la suite du second étage et sur de nombreuses boiseries et portes, et ont permis la création de trente‑cinq logements, bureaux et commerces sur environ 5 000 m² entre mars 1997 et septembre 1998. Le riche parcours de l'édifice, de l'hôtel particulier de la haute bourgeoisie lyonnaise à l'hôtel de voyageurs de prestige, puis à un immeuble mixte de bureaux et logements, illustre l'histoire urbaine et sociale du quartier de Bellecour. Un recensement de 2005 mentionne parmi les occupants des sociétés d'assurance et des organismes financiers, des cabinets de conseil et un commerce de mobilier, témoignant de l'usage tertiaire actuel de l'ensemble.