Origine et histoire de l'Hôtel de ville
L'hôtel de ville de Marseille, situé quai du Port dans le 2e arrondissement, est un immeuble du XVIIe siècle qui abrite le bureau du maire. Il présente une particularité rare : l'accès du rez-de-chaussée au premier étage ne se fait pas depuis le bâtiment principal mais par l'immeuble situé derrière, les deux constructions étant à l'origine reliées par un pont suspendu couvert en bois. Cette organisation résultait de la réserve du rez-de-chaussée à la « loge » des marchands, comme l'évoque la rue de la Loge qui sépare les deux bâtiments. Le pont en bois a été remplacé par une galerie en pierre conçue par Esprit-Joseph Brun, réalisée entre 1782 et 1786. L'attribution des plans a fait l'objet de controverses : Pierre Puget n'aurait, selon plusieurs sources, sculpté que l'écusson aux armes de France, tandis qu'un architecte italien anonyme est parfois cité pour l'inspiration générale. Les sculptures de la façade sont l'œuvre notamment de François et Mathieu Pourtal, Martinet, Levaquery et Martin Grosfils ; l'écusson original exécuté par Pierre Puget se trouve aujourd'hui au musée des Beaux-Arts, remplacé sur la façade par une copie réalisée par Stanislas Clastrier.
L'édifice, de dimensions modestes, date de 1653 et s'inscrit dans une filiation génoise qui a fait dire à des spécialistes qu'il est l'un des plus typiquement génois du Midi de la France. Sa façade principale présente deux ailes symétriques surmontées de frontons triangulaires, un vaste balcon au premier étage soutenu par colonnes et pilastres couronnés d'acanthes, et des fenêtres du premier étage ornées de frontons curvilignes et triangulaires ; le rez-de-chaussée ouvre par une porte principale encadrée de fenêtres surmontées de cartouches au décor complexe. Construite sur pilotis pour stabiliser le sol du port, la maison dut être consolidée peu après par des traverses en fer.
La présence d'un hôtel de ville à cet emplacement est attestée depuis le Moyen Âge : les archives évoquent l'assemblée du conseil communal dans une maison en 1221 et mentionnent dès 1223-1225 la construction d'une « maison de ville » entre le quai et la rue de la Loge, puis un hôtel-de-ville en 1255. Au rez-de-chaussée se trouvaient des salles voûtées destinées au stockage du blé, un four et des boutiques appelées « loges », tandis qu'au premier étage se trouvaient les archives et la salle des séances municipales, dite Salle-Verte. Le bâtiment, appelé « Palais Communal » depuis le XVe siècle, souffrait régulièrement de problèmes de fondation et se trouvait en 1648 dans un état de vétusté dangereux.
La reconstruction entreprise au XVIIe siècle fut décidée en 1653 ; la première pierre fut bénie le 25 octobre 1653 et les travaux, interrompus par des difficultés de financement et des troubles, ne permirent l'occupation qu'à la fin septembre 1673. Au XVIIIe siècle, un projet de reconstruction et de place royale par Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne fut étudié entre 1748 et 1752 puis abandonné. Les transformations se poursuivirent au XIXe siècle : des lézardes apparurent dès 1839, des travaux de démolition et de reconstruction furent envisagés en 1842, puis révisés après la constatation de fondations solides ; la réorganisation intérieure et la restauration des parties délabrées furent menées sous la direction de Jean-Baptiste Rivaud et achevées vers 1847. En 1914 Stanislas Clastrier modifia les toitures en ardoise de type Mansart.
Pendant la Révolution, le médaillon aux armes de la ville sculpté par Pierre Puget perdit ses fleurs de lys en 1792, remplacées par un bonnet phrygien, puis fut restauré sous Louis XVIII ; le médaillon original tomba en 1882 et fut remplacé par un moulage en 1913. En 1794, l'hôtel de ville échappa à une démolition totale alors que Marseille était menacée pour sa résistance, la conservation du monument étant finalement décidée par le Comité de Salut public le 9 février 1794. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la destruction du quartier du Vieux-Port par les forces d'occupation en 1943 entraîna la disparition d'environ 1 500 immeubles sur quatorze hectares, mais l'hôtel de ville, le pavillon Daviel, la Maison Diamantée et l'hôtel de Cabre furent préservés sur l'ordre de plans d'aménagement qui identifiaient les immeubles d'intérêt historique.
La reconstruction du quartier, conduite principalement entre 1946 et 1957, a profondément modifié l'environnement immédiat de l'hôtel de ville : les immeubles réalisés par l'atelier de Raymond Poïvet et d'autres auteurs de la reconstruction, ainsi que les nouvelles places, encadrent aujourd'hui l'édifice et l'espace libre derrière lui est l'actuelle place Villeneuve-Bargemon. L'hôtel de ville a été classé au titre des monuments historiques par arrêté du 30 avril 1948.
Dans les années 1990, deux projets d'aménagement furent envisagés — une extension de l'hôtel de ville sur la place Jules-Verne et un musée consacré au sculpteur César —, mais les chantiers engagés furent interrompus et le projet de musée abandonné. Un concours lancé en 1998 retint le projet de Franck Hammoutène, livré en 2006 : 8 300 m² d'espaces intérieurs, pour l'essentiel enterrés, offrent une nouvelle salle de délibération en hémicycle, des salles de commissions et un espace muséal, tandis que le toit redessine quelque 20 000 m² d'espaces urbains pour la place Jules-Verne et la place Villeneuve-Bargemon.