Origine et histoire de l'Hôtel de ville
L'hôtel de ville de Poitiers, édifié entre 1869 et 1875, est un édifice municipal de style Second Empire situé sur la place du Maréchal-Leclerc, ancienne place d'Armes. Il conclut un vaste projet d'urbanisation du centre-ville lancé après l'arrivée du train en 1851 et la construction de la préfecture entre 1864 et 1869. Un large boulevard d'inspiration haussmannienne, l'actuelle rue Victor-Hugo, relie la préfecture à la place d'Armes et ouvre la perspective sur le nouvel hôtel de ville. Conçu par l'architecte Antoine-Gaëtan Guérinot, le bâtiment remplaça l'ancien hôtel de ville installé à l'échevinage; les travaux, commencés en 1869 et interrompus par la guerre de 1870, s'achevèrent en 1875. Par arrêté du 29 octobre 1975, les façades, les toitures et le grand escalier ont été inscrits au titre des monuments historiques. Faute de financements, les décors prévus ne furent pas entièrement réalisés, mais l'édifice reste un exemple notable du goût Napoléon III et du style néo-renaissance. La façade principale, richement traitée, contraste avec des façades latérales et arrière plus sobres : larges fenêtres à doubles traverses, colonnes et pilastres annelés inspirés de Philibert de l'Orme, rinceaux et guirlandes de fruits renvoyant à la fin du XVIe siècle. L'élévation du rez-de-chaussée rappelle celle de l'Opéra Garnier, construit à la même époque, et plusieurs niches et socles destinés à des médaillons ou sculptures, notamment pour représenter des Poitevins illustres, sont restés vides. Comme chez Garnier, la lisibilité des volumes et des toitures traduit les fonctions intérieures visibles depuis la cour d'honneur : le vestibule desservait autrefois les salles du musée municipal des beaux-arts et l'escalier d'honneur, les salles d'apparat occupent l'étage côté place, et les bureaux se trouvent dans les ailes latérales avec des accès par les pavillons d'angle. L'entrée principale se situe dans le pavillon central, surmontée d'un balcon, d'une fenêtre en plein cintre, de l'horloge publique et d'un campanile ; une frise sous la corniche mêle rinceaux, blason de la ville et lettre P. Le décor sculpté est principalement l'œuvre de Besnard et Mallet ; l'horloge est encadrée par deux allégories, Agriculture et Industrie, de Louis-Ernest Barrias, et le campanile, œuvre d'Auguste-Nicolas Cain, est animé de tigres en plomb et de putti porteurs de flambeaux. Les armoiries de Poitiers — lion d'Aquitaine, fleurs de lys et neuf besants, censés représenter les premiers échevins — se retrouvent partout : frontons, frises, ferronneries, poignées, parquets, peintures et vitraux. L'hôtel de ville abrita également le musée municipal des beaux-arts jusqu'en 1974. Le grand escalier, théâtral, conduit à la loggia et met en scène l'ascension du visiteur ; il est orné de deux cariatides allégoriques de Louis-Ernest Barrias, des bustes des maires Olivier Bourbeau et Arsène Orillard par Pierre-Amédée Brouillet, et d'une rampe sculptée par Besnard et Mallet. Les parois de l'escalier accueillent deux grandes compositions à l'huile de Pierre Puvis de Chavannes représentant saint Fortunat lisant à sainte Radegonde à l'abbaye Sainte-Croix et Charles Martel repoussant les Sarrasins près de Poitiers (1874). La salle des mariages présente un plafond peint par Léon Perrault, Le Triomphe de l'Hyménée (1882), et au-dessus de la cheminée Les époux devant la Loi (1884), du même peintre. Le salon d'honneur, anciennement salle de bal, conserve un parquet marqueté aux armes de la ville, un vitrail d'Auguste Steinheil montrant Aliénor d'Aquitaine confirmant la charte de commune en 1199, et un plafond peint par Jean-Baptiste Brunet représentant Du Guesclin délivrant Poitiers des Anglais (1885). L'ancienne salle du conseil, aujourd'hui salle du blason, porte un plafond peint par Émile Bin figurant la ville de Poitiers personnifiée récompensant le Travail entourée de la Force, de la Justice, de la Charité et de la Paix, flanquée des allégories des rivières La Boivre et Le Clain (1881-1882), ainsi que deux panneaux d'Alfred de Curzon issus d'une série de quatre préparatoires pour les mosaïques de l'Opéra Garnier, relatant des histoires d'amour mythologiques.