Origine et histoire de l'Hôtel-Dieu
L’Hôtel-Dieu de Carpentras est un hospice bâti au milieu du XVIIIe siècle sur commande de Monseigneur d’Inguimbert et réalisé par l’architecte local Antoine d’Allemand. Les bâtiments, organisés autour d’une cour carrée, s’étagent sur rez-de-chaussée, étage et attique ; l’aile ouest abrite la chapelle où se trouve le tombeau de l’évêque. L’apothicairerie a conservé son décor initial avec des paysages en camaïeu de S. Duplessis et des peintures d’Alexis Peyrotte, ainsi que des pots en faïence provenant d’ateliers de Moustiers, Montpellier, Marseille, Apt et autres centres de faïence, objets aujourd’hui protégés. La façade principale, de style baroque, présente une porte cochère en bois sculpté, un balcon, un fronton orné d’angelots et des colonnades ; la toiture, couverte de tuiles romanes, est bordée d’une rambarde ornée de six pots-à-feu, remplacés par des copies plus légères au milieu du XXe siècle. La construction, commencée en 1750 et achevée en 1762, fut pensée pour offrir des pièces vastes et confortables et fut desservie, selon la volonté de l’évêque, par des sœurs hospitalières à partir de 1764. L’ensemble occupe un quadrilatère de cent mètres sur quatre-vingts, réparti autour de quatre cours et de deux jardins, le côté est étant destiné aux malades et le côté ouest aux religieuses. Les matériaux employés proviennent de carrières et d’ateliers locaux : pierres de Rocan, Caromb, Oppède, Saint-Didier, Villeneuve-lès-Avignon, Barroux et Beaumes‑de‑Venise, plâtres de La Roque‑sur‑Pernes et Mormoiron, tuiles et carrelages de Venasque et Montfaucon, briques de Bédoin et charpente en sapin de Tournon avec liteaux d’Andance. La porte principale ouvre sur la cour d’honneur, autrefois plantée, aujourd’hui occupée en saison par le marché aux truffes ; seules deux fontaines d’origine subsistent. L’entrée d’honneur comprend un hall, un escalier monumental et deux galeries ornées des panneaux de donateurs ; les vitraux du hall et la statue de la Vierge sur le palier ont été intégrés lors des travaux financés par Isidore Moricelly. Le plan initial de l’escalier, prévu comme une rampe droite, fut modifié pour créer un escalier central monumental de soixante-quinze marches en pierre de Caromb, avec rampes en fer forgé réalisées par les frères Mille. La chapelle, située dans l’angle nord‑ouest, est une nef simple voûtée avec abside ; son décor baroque fait une large place au marbre polychrome, et l’autel est en marbre ; s’y trouvent le monument funéraire de Mgr d’Inguimbert sculpté par Étienne Dantoine et le tombeau d’Isidore Moricelly sculpté par Émile Aldebert, tandis qu’une crypte accueille les religieuses inhumées. La pharmacie, aménagée entre 1750 et 1760, conserve son mobilier d’origine composé de droguiers à cent soixante-dix-huit tiroirs, avec décors dus en partie à Peyrotte et des peintures de Duplessis, et elle a longtemps servi aussi d’officine pour la population. Les salles de malades, prêtes dès 1762, occupaient la longueur des ailes et se caractérisaient à l’origine par de hauts plafonds et des voûtes en berceau ; l’organisation des espaces répondait aux préoccupations prophylactiques de l’époque. L’administration initiale prévue de douze recteurs fut remplacée par un conseil de neuf membres présidé par le maire, et la communauté des sœurs augustines, fondée par d’Inguimbert, assura pendant des siècles l’accueil et les soins avant de s’éloigner puis de revenir jusqu’à son départ définitif en 1976. Un incendie en 1847 détruisit la quasi‑totalité de la toiture et endommagea l’escalier et le hall d’honneur ; les réparations furent conduites grâce à des souscriptions et à des restaurations ultérieures, notamment celles financées par Isidore Moricelly. Le legs de Moricelly permit aussi la création, en annexe de l’hôtel-Dieu, d’une clinique d’accouchement inaugurée en 1934 ; cet ensemble hospitalier fonctionna jusqu’au transfert des services vers le nouveau pôle santé en 2002. Classé monument historique dès 1862, l’hôtel‑Dieu et une grande partie de ses mobiliers et objets (dont de nombreuses pièces de la pharmacie) bénéficient de protections au titre des monuments et des objets historiques. Après d’importantes opérations de restauration et d’aménagement, les locaux ont été réaménagés pour accueillir la Bibliothèque Inguimbertine ; la bibliothèque a été inaugurée dans ces lieux et la partie muséale a été ouverte au public. Aujourd’hui, l’Hôtel‑Dieu reste un lieu culturel vivant : sa cour reçoit le marché aux truffes de Carpentras et l’ensemble accueille expositions, concerts et manifestations estivales.