Origine et histoire de l'Hôtel du Corbeau
L’hôtel particulier dit Cour du Corbeau est un monument historique situé à Strasbourg, dans le Bas-Rhin, au 1 quai des Bateliers, à proximité de la place du Corbeau et de la cathédrale. L’ensemble, profondément intégré au tissu urbain de la vieille ville, a abrité une hostellerie déjà mentionnée en 1306 et connue sous le nom alémanique « Zum Rabe » depuis 1528. Plusieurs voyageurs et personnages de marque y ont séjourné, parmi lesquels figurent des souverains et militaires tels que le duc de Bavière (1570), le prince Auguste de Saxe-Lauenbourg (1622), le duc Charles IV de Lorraine (1631), le général suédois Gustaf Horn (1632), le chancelier suédois Axel Oxenstierna (1635), Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne (1647), Antoine III de Gramont (1657), le duc de Chevreuse accompagné du voyageur Balthasar de Monconys (1664), Jean II Casimir Vasa, roi de Pologne (1669), Frédéric II de Prusse sous le nom de comte Dufour (1740), ainsi que l’empereur d’Autriche qui fit halte deux jours en 1776, voyageant sous le nom de comte de Falkenstein et accompagné du prince-archevêque Colloredo et du comte de Cobenzl. Un incendie est signalé à l’hôtel en 1668. Aux XVIIIe et XIXe siècles, la Cour du Corbeau, toujours en activité comme auberge, accueillait également la Poste aux chevaux, les lieux étant déjà adaptés à l’accueil des véhicules et des chevaux avec des communs occupés par postillons et palefreniers. Au milieu du XIXe siècle l’hostellerie ferme ses portes (1854) et les ateliers de vitraux de la maison Ott s’y installent dès 1852 ; cette maison deviendra la plus importante d’Alsace et demeure sur place jusqu’en 1982, avec une apogée de la fin du XIXe siècle jusqu’à l’entre-deux-guerres. De nombreux aménagements et reconstructions ont été réalisés pour les activités de verrerie, tandis qu’une partie des bâtiments était louée à des artisans et servait de logements et dépendances ; un atelier de passementerie s’y installe en 1871 et y reste jusqu’en 1990. En 1950, l’ensemble est acquis par le docteur Schuh qui y installe des laboratoires médicaux proches de l’entrée, la maison Ott devenant locataire des bâtiments situés au fond de la cour ; en 1981 l’atelier de vitrail quitte la Cour du Corbeau et la ville de Strasbourg achète l’ensemble, à l’exception des bâtiments d’entrée qui demeurent des laboratoires. La Cour du Corbeau se compose d’une suite de bâtiments bordant, de part et d’autre, une succession de cours étroites s’étendant sur cent dix mètres de longueur pour une largeur moyenne de seize mètres, avec un seul accès sur la place du Corbeau au bord de l’Ill. Les constructions, hétérogènes quant à l’architecture, au style et à l’époque de construction, forment cependant une unité par leur mode d’implantation et offrent un ensemble au pittoresque marqué, très visité par les touristes. L’intérêt historique et archéologique pour le site s’est affirmé au début du XXe siècle ; des sondages de 1999 ont mis au jour des vestiges des XVe et XVIe siècles et la dendrochronologie a daté au milieu du XVIIIe siècle la construction d’un bâtiment comportant des galeries intérieures. Les plans-reliefs de Strasbourg de 1725 et 1836 montrent une disposition générale semblable, excepté une dernière cour plus vaste autrefois, avec des écuries, qui fut réduite à la fin du siècle dernier lors du percement de la rue Klein. À partir du milieu du XIXe siècle, la quasi-totalité des bâtiments a été modifiée pour de nouvelles affectations, notamment par la maison Ott : création d’appentis pour remises et ateliers (forge, four, sablage), surélévations et grandes verrières orientées au nord pour l’atelier de montage et de peinture des vitraux, ainsi que reprises en sous-œuvre et remaniements de maçonnerie pour l’implantation d’un métier volumineux pour le passementier. Les travaux de restauration des façades et des toitures se sont appuyés sur les dispositions relevées dans les plans-reliefs de 1725 et 1836. L’approche de « conservation intégrée » recommandée par le Comité du patrimoine culturel du Conseil de l’Europe a été mise en œuvre ici, visant une réutilisation respectueuse de l’histoire du monument et l’insertion de la dimension patrimoniale dans la vie économique, aboutissant à la réouverture sous la forme d’un hôtel 4 étoiles et d’un restaurant gastronomique. L’ensemble des façades et toitures de la Cour du Corbeau est classé au titre des monuments historiques depuis 1930 et le puits de la cour est classé depuis 1933. La bibliographie comprend notamment le Dictionnaire des monuments historiques d’Alsace de Dominique Toursel-Harster, Jean-Pierre Beck et Guy Bronner, un article de Maxime Werlé sur la Cour du Corbeau à l’époque de la guerre de Trente Ans, ainsi qu’un suivi photographique du chantier de rénovation réalisé par Nathalie Savey entre 2007 et 2009.