Origine et histoire de l'Hôtel Fumé
L’hôtel Fumé, parfois orthographié Fumée ou Fumey, est un édifice de style gothique flamboyant à Poitiers, construit entre le XVe et le XVIe siècle et installé au sommet du versant parcouru par la rue de la Chaîne ; il accueille aujourd’hui l’administration et plusieurs salles de la faculté des sciences humaines et arts de l’université de Poitiers. Il doit son origine à Pierre Fumé de la Perrière, issu d’une famille connue en Poitou, en Anjou et en Touraine ; avocat aux Grands Jours de Poitiers en 1454 et de Thouars en 1455, il devient membre du corps de ville en 1463. Vers 1470, il épouse Hilaire Herbert, qui lui apporte la seigneurie du Château Couvert à Jaunay-Marigny, et lance la construction de l’hôtel entre 1470 et 1484, date de son décès. Bâti sous le règne de Louis XII, l’édifice est édifié en deux temps sur une parcelle en pente le long d’un des principaux axes urbains de l’époque. Devenu maire de Poitiers, Pierre Fumé fait construire un logis en fond de cour, dans le style flamboyant de la fin du Moyen Âge. Au début du XVIe siècle, François Fumé de La Perrière, devenu maire en 1520, agrandit et transforme l’ensemble en ajoutant une somptueuse façade sur rue richement sculptée ; l’édifice reste dans la famille jusqu’au début du XVIIIe siècle. En 1784, Marie Boynet de Bernay le vend à Jean-Charles André de Veillechèze, seigneur de La Mardière, qui fut président du présidial et lieutenant général de police, puis sa fille Marie-Pélagie le cède, le 31 décembre 1826, à la congrégation des Frères de la doctrine chrétienne. Cédé à l’université en 1919, l’hôtel abrite à partir de juin 1922 la Faculté des lettres ; la façade sur rue accueille l’administration et la réception, tandis que le logis sur cour sert de salles de cours. Deux ailes asymétriques ouvrant sur une cour et prolongeant le bâtiment vers l’ouest donnaient accès aux amphithéâtres Descartes et Richelieu aménagés dans les années 1920. En 1961, une campagne menée par l’architecte André Ursault respecte l’organisation en cour et jardin propre à l’hôtel particulier et conserve le corps de logis principal du XVIe siècle, qu’il met en valeur par l’aménagement du vaste hall des inscriptions, passage obligé des étudiants. Ursault propose de remplacer les deux ailes par trois bâtiments rectilignes en plan en peigne, adaptés au fort dénivelé du terrain et disposés jusqu’à la rue des Carmélites ; ces constructions, identiques et rectangulaires, sont divisées en deux parties et privilégient la pénétration de la lumière en lisant le plan dans la largeur plutôt que dans la longueur, selon un schéma typique des architectures scolaires.
La façade sur rue illustre de façon marquante le gothique flamboyant : fenêtres à meneaux, pinacles, motifs de choux frisés et de feuilles, ainsi que sculptures figurées composent son décor. L’architecte a voulu évoquer l’entrée des anciens châteaux forts, et les deux pavillons en saillie jouent le rôle de tours ; des éléments empruntés à l’architecture militaire — poivrières, chemin de ronde factice, mâchicoulis — y figurent comme ornements purement décoratifs, signes ostentatoires de rang social. Le logis s’organise autour d’une cour centrale et témoigne des deux phases de construction : en fond de cour, le bâtiment originel de Pierre Fumé présente une façade gothique flamboyante avec lucarnes sculptées d’animaux et pinacles. L’extension réalisée au XVIe siècle par François Fumé, au sud et à l’est, comporte une loggia en pans de bois aujourd’hui close par des vitraux losangés et soutenue par des colonnes gothiques torsadées ; une tourelle d’escalier surmontée d’une licorne en plomb dessert les étages et un balcon sinueux en pierre rattache la loggia au logis sur rue. L’entrée se fait par un passage voûté d’ogives. Des transformations néo-gothiques du XIXe siècle ont été supprimées dans les années 1920 ; à la même époque la façade a été ornée d’une mosaïque reprenant les armoiries de l’université de Poitiers et la date fondatrice 1431.