Origine et histoire de l'Hôtel Gilbert
L'ancien hôtel Gilbert, situé au 13 rue de Blossac à Poitiers, est un hôtel particulier de style Art déco conçu par l'architecte André Ursault et construit entre 1933 et 1935 ; il abrite aujourd'hui le tribunal administratif de Poitiers. L'édifice a été élevé sur un terrain acquis auprès de l'administration des Domaines pour la famille de Maurice Gilbert, dont la fortune provenait du commerce et de la torréfaction du café. Ursault a réalisé l'ensemble des plans et élévations ainsi que les éléments de décoration intérieure — boiseries, ferronneries et mobilier. Les ferronneries de l'escalier et les cache-radiateurs ont été exécutés d'après ses dessins par Gilbert Poillerat, tandis que la décoration intérieure a été confiée au décorateur André Champetier de Ribes, dit Domi. Les radiateurs du hall étaient surmontés de vases de lumière en céramique par Maurice Gensoli, les autres luminaires provenaient de la maison Jean Perzel et les tapis étaient des créations d'Ivan da Silva-Bruhns. Réquisitionné par l'armée allemande en 1941, l'hôtel fut après 1945 placé sous réquisition civile et accueillit le Commissaire de la République et le Secrétariat général pour les affaires économiques ; la famille Gilbert résida alors dans son manoir de Mignaloux-Beauvoir, où Maurice Gilbert mourut en 1944. Après la suppression du Commissariat général en 1946, la moitié de l'édifice fut rendue à la veuve de Maurice Gilbert. La ville de Poitiers racheta l'hôtel en 1960, après le décès de la propriétaire ; il abrita successivement des associations étudiantes puis, à partir de 1968, la présidence de l'université. En 1994 l'État acquit le bâtiment après le déménagement de la présidence à l'hôtel Pinet et y installa le tribunal administratif. Le cabinet Deshoulières et Jeanneau réaménagea bureaux et salle d'audience entre 1995 et 1996 ; la restauration a veillé à restituer ou recréer luminaires et boiseries selon les dessins de l'architecte et l'esthétique d'origine. L'édifice a été inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 21 décembre 2005 et est labellisé "Patrimoine du XXe siècle". La façade sur la rue de Blossac, en calcaire poitevin, s'inspire des formes du XVIIIe siècle, notamment du style Louis XV, avec un balcon à larges consoles rocaille marquant l'étage noble et une balustrade sommitale ; le toit d'ardoise est percé de lucarnes en plein cintre. Des détails plus modernes apparaissent néanmoins : les moulures des fenêtres du rez-de-chaussée reposent directement sur un soubassement en granite gris, la simplification des volumes et des ferronneries aux lignes calligraphiques caractérisent l'époque de construction. L'entrée s'ouvre par un portail en plein cintre à bossages donnant sur un porche porteur d'une terrasse ; une jardinière y surmonte une peinture murale de Rudolf Gowenius représentant, dans un style cubiste simplifié, la vue des chevet de l'église Sainte-Radegonde et de la cathédrale Saint-Pierre, peuplée de séminaristes, de religieuses et d'un pêcheur. Des marches conduisent à la porte d'entrée en fer forgé. La façade sur jardin est dominée par une rotonde accessible par degrés ; la salle qui abritait autrefois la salle à manger des Gilbert sert aujourd'hui de bureau au président du tribunal. Cette façade, ornée de guirlandes sculptées rappelant le style Louis XVI mais traitées de façon plus massive, soutient une grande terrasse desservant les chambres de l'étage ; le jardin, aujourd'hui réduit, conserve une petite pergola. Le hall d'entrée, précédé d'un vestibule séparé par deux radiateurs en saillie formant consoles, est un grand volume Art déco dominé par un escalier d'apparat et coiffé d'une coupole en briques de verre soutenue par une structure en béton. Les murs et colonnes, lisses et peu ornés, sont enduits d'un stuc imitant le faux-marbre aux veines roses ; certaines portes conservent des placages losangés en bois sombre et les radiateurs portent des ferronneries bicolores signées Poillerat d'après Ursault. La rampe d'escalier, au dessin calligraphique, dissimule l'initiale "G" du propriétaire ; les appliques, rééditions d'après les dessins originaux, prennent la forme de vases très évasés. À l'exception du hall et de la salle à manger, les pièces ont été transformées au fil du temps : la salle d'audience occupe en partie un ancien salon et présente une boiserie contemporaine à gros grain, sculptée à la gouge et inspirée de projets d'Ursault en accord avec le style colonial de l'époque. Depuis 2000, le palier de l'escalier accueille la sculpture Le Porteur de paix de Jean-Pierre Dusaillant. La famille Gilbert possédait également le manoir de Beauvoir à Mignaloux-Beauvoir, réhabilité par André Ursault et les frères Martineau entre 1929 et 1935 dans un esprit Art déco ; la terrasse à portique subsiste avec une frise stylisée d'animaux, le parc aménagé par Jean Viaud-Bruant est aujourd'hui un golf et conserve une petite chapelle de 1929 ornée de peintures de Gowenius et de vitraux de Colin.