Origine et histoire de l'Hôtel Lutetia
L'hôtel Lutetia a été créé à l'initiative de la veuve Boucicaut pour loger la clientèle provinciale et internationale du Bon Marché. Conçu par les architectes Louis‑Hippolyte Boileau et Henri Tauzin, l'édifice Art nouveau a été inauguré en 1910. Une fresque champêtre d'Adrien Karbowsky orne l'un des premiers bars de style Art déco de l'hôtel. Les sculptures de façade, d'abord réalisées par Léon Binet, reprennent le motif de la vigne, évoquant la culture ancienne de la vigne à Lutèce ; Paul Belmondo y a également contribué. En 1912, Boileau ajoute une extension comportant deux niveaux de salons de réception et des chambres supplémentaires. En 1927, une nouvelle adjonction ferme la cour centrale et accueille notamment une salle des fêtes ainsi qu'une extension de la brasserie. Proche du Bon Marché et des institutions parlementaires, l'hôtel attire parlementaires, fonctionnaires coloniaux et une clientèle artistique et littéraire. Picasso, Matisse, André Gide — qui y vécut à l’année — James Joyce, Samuel Beckett, Antoine et Consuelo de Saint‑Exupéry, André Malraux figurent parmi les résidents et habitués évoqués par l'histoire de l'établissement. Albert Cohen y dicta Belle du Seigneur, Alexandra David‑Néel y séjourna après ses voyages, Joséphine Baker y vint avec ses enfants, et Charles de Gaulle y résida lors de ses passages à Paris. Lors de l'occupation allemande de Paris en juin 1940, l'hôtel fut réquisitionné et hébergea des services allemands tels que l'Abwehr et la Geheime Feldpolizei ; des collaborateurs y fréquentaient aussi les lieux. Des employés creusèrent une cache en cave pour dissimuler de grands crus afin qu'ils n'échoient pas aux occupants. À la Libération, le Lutetia fut mis à la disposition des autorités et choisi pour accueillir les déportés de retour des camps de concentration ; Sabine Zlatin organisa le centre d'accueil où fiches et photographies des déportés étaient affichées. Une plaque apposée à l'extérieur rappelle ce rôle d'accueil et, pendant des années, un groupe d'anciens déportés s'y retrouvait régulièrement. L'intérieur de la brasserie fut réalisé dans les années 1970 par Slavik et Sonia Rykiel, et Sonia Rykiel a ensuite redécoré l'hôtel en 1985. De 1955 à 2005, la famille Taittinger fut propriétaire ; l'hôtel appartint ensuite à Starwood Capital Group de 2005 à 2010, puis fut acquis fin juillet 2010 par le groupe israélien Alrov, tandis que sa gestion demeura confiée au groupe Concorde Hotels & Resorts. En 2010, le Lutetia célébra son centenaire par une série d'événements ; en 2014 une partie de sa collection d'art et de mobilier, soit plus de 3 000 pièces, ainsi qu'environ 8 000 bouteilles furent vendues aux enchères. Fermé en 2014 pour une vaste rénovation conduite par l'architecte Jean‑Michel Wilmotte, l'hôtel a fait l'objet de travaux d'un montant de 200 millions d'euros ; les parties protégées ont été préservées et le nombre de chambres est passé de 233 à 184, avec la création d'un spa. Rouvrant le 12 juillet 2018, l'établissement a ensuite été promu palace par Atout France en octobre 2019. Fin 2024, le groupe Mandarin Oriental a annoncé reprendre la gestion du palace, qui devient la propriété et prend le nom de Mandarin Oriental Lutetia en 2025. Par arrêté du 16 octobre 2007, de nombreuses parties de l'hôtel — façades et toitures sur rues et sur cours, halls, salons (dont le salon Borghèse et le salon Président), escaliers et autres espaces — ont été inscrites aux monuments historiques.