Origine et histoire
Le prieuré hospitalier, dit hôtel Saint-Jean ou hôtel des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, est un hôtel particulier situé au 32, rue de la Dalbade, dans le centre historique de Toulouse ; il représente un ensemble remarquable de l’architecture tardive de la Renaissance et du baroque à Toulouse. Les Hospitaliers s’installent dans ce quartier dès le XIIe siècle : après avoir occupé l’église de la Dalbade, dont ils sont contraints de se retirer en 1110, ils obtiennent la donation de l’église Saint-Rémi et des terrains alentour. Ils voient leurs prérogatives s’accroître au fil des siècles, recevant notamment le droit d’acquérir des biens dans le diocèse, d’avoir un cimetière et un four, et la possibilité de faire construire une tour destinée aux archives. Au XIIIe siècle, la commanderie s’étend entre la rue de la Dalbade et la Garonnette et comprend un hôpital, l’église Saint-Rémi, un cloître bordé de chapelles, le logis des hospitaliers avec boutiques sur la rue de la Dalbade, une puissante tour pour les archives et les reliques, ainsi qu’un cimetière. La maison hospitalière s’enrichit encore après la suppression des Templiers et le transfert de leurs biens, ce qui lui vaut en 1315 le rang de grand prieuré, second grand prieuré de la langue de Provence après Saint-Gilles. Au XVe siècle, les Hospitaliers aménagent la Maison du Temple en hôpital et construisent le logis du prieur dans la maison voisine ; l’église est agrandie et placée sous les vocables de Notre-Dame de la Conception et de Sainte-Barbe. Après la perte de Rhodes et l’installation à Malte, le grand prieuré toulousain poursuit ses activités, tandis que l’ancien hôpital du Temple est transformé vers 1550 en collège accueillant prêtres et étudiants. De vastes campagnes de travaux interviennent au XVIIe siècle : l’église Saint-Rémi est restaurée en 1641, puis l’ensemble de l’hôtel est reconstruit sur l’ordre du prieur Antoine de Roubin Graveson d’après les plans de l’architecte Jean-Pierre Rivalz ; le cloître est démoli et les nouvelles élévations, inspirées de la Renaissance tardive et du baroque, sont élevées entre 1668 et 1684 pour aboutir au bâtiment actuel. Malgré des modifications et démolitions ultérieures — la tour des archives est supprimée en 1813, l’église Saint-Rémi en 1839 et l’angle sud-ouest est reconstruit en 1840 à l’emplacement de l’ancienne chapelle — l’ensemble conserve son identité architecturale, représentative de l’ordre classique. À la Révolution, le prieuré devient bien national ; il est successivement affecté à la Légion d’honneur, vendu, acquis par la corporation des marchands de draps pour une foire, puis racheté en 1903 par la Chambre de commerce qui y installe une école supérieure de commerce ; durant la Première Guerre mondiale, les locaux servent d’hôpital complémentaire. Après le départ de l’école en 1985, l’État installe la Cour régionale des comptes en 1986 ; le Ministère de la Culture acquiert le bâtiment en 1995 pour y regrouper la DRAC Midi-Pyrénées et confie la réhabilitation à un cabinet d’architectes toulousains. L’hôtel a fait l’objet d’une importante fouille archéologique lors des travaux, révélant peintures murales médiévales et enfeus datés de la fin du Moyen Âge, et certaines hypothèses ont été émises sur des sépultures anciennes ; les travaux ont également conduit à la démolition des maisons de la rue Saint-Rémésy et à la construction d’un bâtiment contemporain à leur emplacement, puis à l’achèvement de la réhabilitation entre 2003 et 2005, date à laquelle la DRAC y installe ses bureaux. La protection patrimoniale de l’hôtel est intervenue tardivement : inscription partielle en 1986 et classement en 1990. La façade principale sur la rue de la Dalbade, réalisée en 1668, est considérée comme l’une des réussites de Jean-Pierre Rivalz ; elle s’étire sur quatorze travées, dont neuf sont l’œuvre de Rivalz, repose sur un solin en pierre de taille et présente à l’étage noble des fenêtres alternant frontons triangulaires et curvilignes, un bandeau orné de merlettes héraldiques et un portail encadré de colonnes d’ordre dorique surmonté d’une frise et d’un tympan portant une ferronnerie centrée sur une croix de Malte. Ce portail ouvre sur un passage couvert menant à une cour d’honneur entourée sur trois côtés d’arcades en plein cintre et desservant des salles collectives, dont l’ancienne salle capitulaire de l’aile est. Dans l’aile sud, l’espace de l’ancienne église Saint-Rémi a été remplacé par deux salles superposées à piliers et colonnes ; le mur nord de la salle basse, vestige de l’église, renferme deux enfeus médiévaux du XIIe siècle, dont l’un présente des peintures du XIIIe siècle représentant des anges, une crucifixion, l’apôtre Jacques et une figure non identifiée, tandis que des plafonds conservent des rinceaux du XVIIe siècle ornés de petits animaux. Une extension contemporaine, le long de la rue Saint-Rémésy, englobe l’ancien bâtiment des écuries. L’hôtel Saint-Jean a également servi de décor au film Le Jour et l’Heure (1963) de René Clément.