Origine et histoire des Hypogées
La Grotte-Dolmen de Bonnias s'inscrit parmi les hypogées de Fontvieille, un ensemble de constructions néolithiques situées dans la commune de Fontvieille, dans les Bouches‑du‑Rhône. Ces monuments, autrefois appelés hypogées d'Arles ou d'Arles‑Fontvieille, comprennent l'hypogée de Bounias, l'hypogée de la Source, l'hypogée du Castelet (ou d'Arnaud‑Castelet), l'hypogée de Cordes (ou Grotte des Fées) et, associé à eux, le dolmen de Coutignargues, tous proches de la montagne de Cordes. Il ne s'agit ni de grottes entièrement creusées ni de dolmens totalement bâtis, mais d'excavations recouvertes de dalles mégalithiques, généralement conçues selon trois parties : un couloir d'accès en escalier, une antichambre plus ou moins distincte, puis une chambre funéraire allongée de plan rectangulaire ou légèrement trapézoïdal. Leur homogénéité architecturale témoigne, selon Jean Guilaine, d'une construction contemporaine et d'un savoir‑faire technique, leur conception s'apparentant à celle des allées couvertes. Ces hypogées sont classés au titre des monuments historiques ; l'hypogée du Castelet, propriété communale, est le seul à être librement accessible, les autres étant sur des propriétés privées.
L'hypogée de Cordes, dit aussi Grotte des Fées ou Épée de Roland, est considéré comme l'un des monuments mégalithiques les plus imposants d'Europe occidentale. Connu de longue date et cité dès 1779 par Louis Mathieu Anibert, il a été violé par des pilleurs qui sont entrés par un trou dans le plafond, de sorte qu'aucun matériel archéologique n'y a été retrouvé. Jean Guilaine estime que son ampleur dépasse celle d'une simple tombe collective et que sa situation dominante au sommet de la montagne pourrait indiquer une fonction cérémonielle. L'édifice comprend un escalier monumental de 10,50 m sur 2,70 m, un vestibule symétrique, une porte cintrée de 2,50 m sur 2,65 m donnant accès à un petit corridor de 5,50 m, puis à une galerie terminale de 25 m dont la largeur varie de 3,80 m à 2,85 m ; la galerie est couverte de dalles de 0,70 à 1,30 m d'épaisseur. L'ensemble de la cavité mesure 42 m de long et s'enfonce à 4 m de profondeur. À proximité se trouve une grande dalle brisée en quatre morceaux, haute de 7 m et large de 3 m, qui pourrait avoir été un menhir indicateur, mais sa fosse de calage n'a pas été identifiée. La morphologie du monument a alimenté de nombreuses légendes populaires qui l'associent à des fées, à la Tarasque ou à Roland, et voient parfois dans son plan l'image d'une épée médiévale ou d'un fourreau contenant un trésor gardé par un serpent ou un druide endormi.
Les hypogées de Bounias et de la Source furent découverts fortuitement en 1866 par Bounias, adjoint au maire et propriétaire des lieux ; des fouilles anciennes, menées sans méthode scientifique, ont néanmoins permis de recueillir les restes d'environ une centaine d'individus, confirmant leur fonction funéraire. L'hypogée de Bounias, aménagé sous un tumulus, reprend une architecture semblable à celle de Cordes mais à plus petite échelle : une rampe d'accès de 2,50 m mène à un vestibule de 3,70 m partiellement protégé par la première dalle de couverture ; la porte, taillée dans la molasse, a 0,50 m d'épaisseur et une forme trapézoïdale aux angles supérieurs arrondis ; elle ouvre sur une galerie de 12,10 m recouverte de sept dalles successives. Le mobilier trouvé lors des premières fouilles se compose notamment de pointes de flèche, d'une lame en silex, d'une coupelle en céramique et d'un fragment de maillet.
L'hypogée de la Source, le plus petit des quatre, doit son nom à une source jaillissant au pied de la falaise voisine, selon Paul Cazalis de Fondouce. Sa longueur totale est de 16,60 m ; la galerie, légèrement trapézoïdale, mesure 12 m de long, 2,70 m de large à l'entrée et 1,90 m au fond, pour une hauteur de 2,40 à 2,45 m, et était recouverte par sept dalles mégalithiques parfaitement ajustées. La quatrième dalle porte des gravures comprenant une douzaine de cupules, quelques tracés curvilignes et une représentation sub‑circulaire à quatre rayons prolongée par une longue tige recourbée. L'ensemble était recouvert par un tumulus de 38 m de diamètre délimité par une tranchée creusée dans la roche, dont les orthostates de calage (peristalithe) ont aujourd'hui disparu malgré quelques descriptions anciennes. Lors d'une fouille menée par Marius Huart en 1876, furent retrouvés, en plus d'ossements, une petite hache polie, des pointes de flèche, des tronçons de lames, deux canines de renard perforées, un perçoir en silex qualifié de « chasséen », une pendeloque en serpentine, plusieurs perles en stéatite et en marbre jaspé, trois petits fragments de plaque en cuivre, un poinçon en tibia de lapin et divers tessons de poteries, dont un comportant une anse à double mamelon.
L'hypogée du Castelet, aussi nommé grotte Arnaud ou grotte du Fabre (ou Faure), se distingue par sa rampe d'accès en forme de demi‑pirogue et en pente douce ; sa galerie mesure 10,80 m de long. Signalé dès le XVIIIe siècle, il fut fouillé méthodiquement en 1876 par Paul Cazalis de Fondouce, qui mit au jour de très nombreux ossements correspondant à environ une centaine d'individus, parmi lesquels une vertèbre perforée par une flèche, ainsi qu'un mobilier abondant comprenant des centaines de perles en stéatite et en variscite, une perle en or, des armatures de flèche et de javelot, et un brassard d'archer ; l'ensemble du mobilier est conservé au musée de l'Arles antique.