Origine et histoire de l'Ilot de Tombelaine
L'îlot de Tombelaine fait partie du domaine privé de l'État et est une réserve ornithologique depuis 1985. Il s'agit d'un îlot granitique situé dans la baie du Mont-Saint-Michel, sur la rive droite du fleuve côtier de la Sée, à quelques kilomètres au nord du Mont-Saint-Michel. Le marnage important de la baie, supérieur à dix mètres, permet d'atteindre l'îlot à pied sec à basse mer.
Selon la tradition, la baie était autrefois plus vaste et seules trois îles émergeaient : le mont-Dol, le mont Tombe et Tombelaine. Une légende raconte qu'Hélène, fille du roi Hoël, aurait été enlevée par un géant et inhumée sur le rocher, d'où le nom « Tombe Hélène ». Un autre récit associe l'îlot au dieu gaulois Belenos et évoque un ancien sanctuaire gardé par des prophétesses. L'explication la plus vraisemblable de l'origine du toponyme est un dérivé de tumba, « tertre » ou « butte », donnant une forme ancienne *tumb-ell-ana, « petit mont Tombe ».
Après la conquête romaine, Tombelaine a peut-être servi de chef-lieu militaire avant de devenir un poste des peuples gaulois armoricains. Au XIe siècle, trois moines — Anastase, Richard des Fourneaux et Robert de Tombelaine — s'y retirèrent en ermites. En 1137, Bernard le Vénérable fonda un prieuré sur l'îlot ; l'église fut dédiée à Notre-Dame de la Gisante ou Notre-Dame de Tombelaine. En 1204, Philippe Auguste fit ériger un fort sur l'îlot. Pendant la guerre de Cent Ans, une garnison anglaise s'installa et construisit une bastille face au Mont-Saint-Michel. Durant les guerres de Religion, le comte de Montgomery fit du rocher son repaire et on lui attribue des activités illicites, dont la fabrication de fausse monnaie. En 1666, le marquis de la Chastrière demanda la destruction de la place forte, craignant qu'elle ne soit utilisée contre le Mont-Saint-Michel ; les fortifications furent rasées par ordre de Louis XIV. De 1812 à 1837, l'îlot appartint à Michel Brackmann, ancien garde-suisse de Louis XVI.
Tombelaine fut acheté par l'État en 1933 et classé au titre des monuments historiques par arrêté du 9 octobre 1936 ; une réserve de chasse maritime y fut instituée en 1974. La réserve ornithologique, créée le 10 octobre 1985 à l'initiative de la municipalité de Genêts et du Groupe ornithologique normand, a permis à seize espèces d'y nicher depuis sa création. Parmi elles figurent l'Aigrette garzette (180 à 200 couples en 2015), le Héron garde-boeufs (30 à 50 couples en 2015) et le Faucon pèlerin, présent depuis les années 1970 ; on y observe aussi le Canard colvert, le Tadorne de Belon et plusieurs passereaux. Des oiseaux de passage ou en tentative de nidification, tels que le Grand Cormoran, l'Ibis sacré, le Busard Saint-Martin, le Balbuzard pêcheur, la Spatule blanche ou la Grue cendrée, ont également été observés. L'accès à l'îlot est interdit du 15 mars au 31 juillet afin de protéger la reproduction aviaire.
Le point culminant, le pic de la Folie, s'élève à 45 mètres ; l'îlot mesure environ 250 mètres de longueur, 150 mètres de largeur et couvre près de trois hectares (0,03 km²). Des intrusions tardives de leucogranite à biotite et muscovite expliquent sa formation géologique. Tombelaine se situe dans le périmètre inscrit sur la liste du patrimoine mondial pour le Mont-Saint-Michel et sa baie depuis 1979 et a été intégré au Conservatoire du littoral le 24 février 2010. La baie du Mont-Saint-Michel bénéficie de la convention de Ramsar depuis le 14 octobre 1994, reconnaissance qui inclut Tombelaine pour la valeur de ses zones humides.