Origine et histoire
La Maison de l'armateur est une demeure du XVIIIe siècle située au 3 quai de l'Île, dans le quartier Saint‑François du Havre, face au port de pêche ; elle est ouverte au public comme musée des arts décoratifs depuis 2006 et classée monument historique par arrêté du 26 avril 1950. Elle a été édifiée d'après les plans de Paul‑Michel Thibault à partir de 1790 ; Thibault était architecte de la ville, architecte des fortifications, auteur du magasin général de l'Arsenal et fontainier. En 1800, Martin‑Pierre Foäche, membre d'une importante famille d'armateurs négriers, acquiert la maison et y installe ses bureaux et sa résidence d'hiver. Au milieu du XIXe siècle la demeure accueille l'hôtel d'Helvétie, puis, en 1889, la famille d'Arras. Le bâtiment survit aux bombardements du Havre de septembre 1944 qui détruisirent une grande partie de la ville. Elle est rachetée cinq ans plus tard par la ville du Havre et reste un rare témoin de son époque.
La façade reflète l'architecture néo‑classique et l'édifice s'élève sur cinq niveaux : un rez‑de‑chaussée affecté aux écuries et à l'entrepôt, un entresol, deux étages nobles et un attique. Les deux étages supérieurs correspondent à la partie noble, organisée en appartements comprenant notamment la chambre de monsieur, la chambre de madame, le grand salon, le salon de musique et la salle à manger. Un autre niveau rassemble les espaces de sociabilité et de vie intellectuelle tels que le salon de lecture, la bibliothèque, le cabinet des cartes et plans, le cabinet de curiosités, une chambre d'hôtes et un boudoir, tous aménagés avec mobilier, tableaux et arts décoratifs. Au début du XIXe siècle, chaque niveau était dédié à un moment de l'existence : réceptions au premier, travail au deuxième, vie familiale au troisième et loisirs au quatrième. Entre le rez‑de‑chaussée et le premier étage deux escaliers desservaient la maison : un escalier en pierre avec garde‑corps en fer forgé sculpté pour les propriétaires et un escalier en bois en vis de Saint‑Gilles réservé aux domestiques. L'organisation intérieure repose sur un puits de lumière octogonal autour duquel sont disposées vingt pièces ; l'exiguïté des espaces est compensée par l'usage de miroirs et le sol est couvert de parquets en bois exotique de cinq essences.
Ni tout à fait musée ni tout à fait maison, la Maison de l'armateur présente des collections d'objets de l'Ancien Régime et du XIXe siècle : meubles, cartes anciennes, statues, peintures et livres anciens, auxquels s'ajoutent des tableaux provenant du musée d'art moderne André‑Malraux et des objets du muséum d'histoire naturelle. Parmi les peintures figurent plusieurs portraits d'Alexandre Roslin (Martin‑Pierre Foache, Louise Foache née Chausée, Jacques‑François Bégouen‑Demeaux, Jeanne Bégouen‑Demeaux née Mahieu et Stanislas Foache), un Le Havre vu de la mer de Louis‑Philippe Crépin et un portrait anonyme de Madeleine de Scudéry. Le mobilier et les objets d'art comprennent, entre autres, un plat au chien Fô, une corbeille de fleurs, un sextant à lunette, un grand verre en cristal gravé et taillé provenant des Pays‑Bas (XVIIIe siècle), la maquette du trois‑mâts L'Adélaïde et diverses petites pièces de collection.
Propriété des Foäche, la maison témoigne du luxe des négociants enrichis par la traite atlantique aux XVIIIe et XIXe siècles et consacre une salle à l'histoire de la traite négrière, unique au Havre. La surface réduite dédiée à cette mémoire a suscité des critiques d'associations telles que Mémoires & Partages ; Karfa Diallo, fondateur de l'association, a jugé scandaleux que le seul lieu évoquant ce passé mette surtout en valeur le luxe des armateurs. En janvier 2018 une pétition a réclamé que cette mémoire soit présentée dans un espace dédié ; en réponse la ville a annoncé en 2019 la libération d'espaces au musée Dubocage de Bléville pour y installer une exposition permanente dédiée d'ici 2026.