Origine et histoire
L'immeuble du 54 rue Saint-Pierre à Caen (Calvados) est classé au titre des monuments historiques et jouxte le n°52, lui aussi protégé. Il a été édifié pour Michel Mabrey, membre d'une famille bourgeoise caennaise qui avait accru sa fortune par son mariage avec Marion, héritière de Guillaume Abelin, financier actif au troisième quart du XVe siècle. Michel Mabrey fut procureur du roi sur le fait des aides en l'élection de Caen, bedeau de la faculté de théologie de l'université de Caen et élu échevin en 1509 ; la maison a probablement été construite autour de cette période. Les armoiries familiales (d'azur au chevron d'or accompagné de deux couronnes du même chef et d'une merlette aussi d'or en pointe) subsistent au sommet du potelet qui ferme à droite la fenêtre du second étage. Lors de la restauration menée en 2017-2018, la dendrochronologie a daté à 1513 le chêne utilisé pour la construction des n°52–54. L'encorbellement a été interdit en Normandie en 1524. La demeure resta dans la famille Malbrey jusqu'en 1620, date à laquelle Thomas Malbrey la vend à Geoges Le Sueur, seigneur de la Fontaine ; de 1678 jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, elle appartient à la famille Vivaire du Désert. Au début du XIXe siècle, le pignon est essenté et les fenêtres perdent leurs meneaux et croisillons. Une restauration de la façade est effectuée en 1886 : le sculpteur Raoul Douin restitue alors la division des deux fenêtres du deuxième étage. La façade sur rue et la toiture sont classées depuis le 24 juin 1947 et la façade a été de nouveau restaurée en 2017-2018.
La façade est à pans de bois, torchis et brique, tandis que le reste de l'édifice est en pierre de Caen. Contrairement au n°52, les hourdis du n°54 sont traités en polychromie : les espaces entre les pièces de bois sont remplis par des plaques de plâtre estampées formant des creux d'environ un centimètre, remplis d'un mastic coloré en rouge, noir, jaune, brun et bleu ; ce décor polychrome a été restauré en 2017-2018. La façade présente un riche décor sculpté en bois mêlant motifs religieux et éléments annonçant la Renaissance : les sablières portent des frises de végétaux et d'animaux, et les poteaux et potelets des premier et deuxième étages sont ornés de pinacles surmontés de statuettes en ronde-bosse. Au centre du premier étage figure saint Michel terrassant le dragon ; de part et d'autre se voient saint Pierre tenant les clés, saint Joseph, Jésus et la Vierge à l'Enfant, surmontés par un homme et une femme en prière qui pourraient représenter les propriétaires. Lors de la restauration des années 2010, ces éléments sculptés ont été repeints en rouge, comme à l'origine.
Les contrats de vente du XVIIe siècle renseignent l'organisation intérieure originelle : une porte sur la rue ouvre sur une allée longeant la boutique du rez-de-chaussée, qui conduit à une salle ou arrière-boutique à l'arrière ; un escalier placé dans une tour élevée à l'angle de la cour dessert les étages supérieurs, chacun comportant deux chambres. Des vues anciennes et des photographies, dont certaines antérieures et d'autres postérieures aux restaurations, documentent l'édifice et ses interventions.