Origine et histoire
En 1924, Henry Frugès, industriel sucrier et propriétaire d'usines à Bordeaux, confie à Le Corbusier et Pierre Jeanneret la réalisation de deux cités ouvrières, l'une à Lège et l'autre à Pessac, en banlieue de Bordeaux. Les contraintes économiques liées à la densité et à l'occupation de la parcelle amènent Le Corbusier à privilégier des regroupements de logements, qui permettent un jeu combinatoire respectant ses exigences plastiques. Outre quelques maisons isolées, l'ensemble repose sur quatre types de maisons combinées — quinconce, arcade, gratte-ciel et zig-zag — auxquels s'ajoutent des formes particulières comme la maison de l'ingénieur Vrinat et les maisons jumelles. Le chantier débute en 1925 et s'achève en 1926 ; l'adduction d'eau est réalisée en 1929. Les maisons se révèlent plus chères que prévu, difficiles à vendre, et sont rapidement l'objet d'appropriations diverses qui altèrent le projet initial. La maison située 34 rue Henri-Frugès appartient au type des maisons jumelles.
Henry Frugès avait acquis une vaste prairie entourée de pins pour y édifier une "cité-jardin". Sur le projet initial de 127 maisons, 51 habitations sont finalement construites selon sept types différents ; un dernier type, unique, est détruit pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec leurs toitures-terrasses, leurs formes géométriques épurées, leur construction modulaire, la polychromie des façades et leurs fenêtres en bandeau, ces maisons constituent un laboratoire grandeur nature des idées novatrices de l'architecte.
La maison 3 rue des Arcades, de type arcade, a recouvré son état d'origine et fut la première à être classée au titre des monuments historiques. La Ville de Pessac a acquis une maison "gratte-ciel" située 4 rue Le Corbusier ; la Maison Municipale Frugès - Le Corbusier, ouverte à la visite et lieu d'expositions, conserve une maquette de l'ensemble réalisée par Henry et Christiane Frugès en 1967. Après une longue période d'oubli durant laquelle les maisons furent largement modifiées, la cité est progressivement rénovée par ses occupants, souvent sensibilisés à l'œuvre et au projet de Le Corbusier.
Les Quartiers Modernes Frugès sont inscrits dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager depuis 1998 ; des recommandations architecturales simples visent à sauvegarder l'ensemble tout en préservant son caractère initial de "cité d'habitation populaire". La candidature regroupant plusieurs sites de Le Corbusier, dont la cité Frugès, avait été refusée en 2009 et en 2011 ; un nouveau dossier déposé fin janvier 2015 a conduit à l'inscription de l'ensemble sur la liste du patrimoine mondial le 17 juillet 2016.
Des inscriptions au titre des monuments historiques ont été réalisées ultérieurement : en 2019, onze maisons (rues Le Corbusier : 1, 20, 21, 22 ; rue Henri-Frugès : 22, 23, 24, 25, 30, 44 ; rue des Arcades : 9) ; en 2020, deux maisons (rue Le Corbusier : 8 ; rue Xavier-Arnozan : 23) ; et en 2022, neuf maisons (rue Le Corbusier : 9, 23, 24, 25 ; rue Henri-Frugès : 26 ; rue des Arcades : 1, 2, 11 ; rue Xavier-Arnozan : 21).