Origine et histoire
La maison Charron est un hôtel particulier de style néo-classique, construit au milieu du XVIIIe siècle à l'angle de l'allée Duguay-Trouin et de la place de la Petite-Hollande, à l'ouest de l'île Feydeau à Nantes. Le bâtiment a été inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 5 décembre 1984, pour ses façades, son décor et sa toiture. Le remblaiement de la « grève de la Saulzaie » et le lotissement de l'île Feydeau, engagés dès 1723 et actés en 1733, expliquent l'origine du site ; la parcelle portant alors le numéro 24 fut achetée par le négociant et contrôleur des finances Pierre Charron pour 18 000 livres, somme la plus élevée payée pour un lot, d'après les documents. Le plan d'urbanisme était initialement régi par le code architectural établi par l'ingénieur Jacques Goubert. La maison Charron, première construction du lotissement, fut édifiée en 1740 et habitée dès cette année ; elle figure parmi les deux seuls immeubles réalisés avant l'abandon en 1743 de l'obligation de suivre le programme de Goubert, l'autre étant la maison Valleton (1741). Après le décès de Pierre Charron, le bâtiment fut divisé en trois par ses héritiers, qui le cédèrent à partir de 1785 au négociant Mathurin Trottier. L'armateur Jean Peltier Dudoyer y est décédé le 6 ventôse an IX (25 février 1803).
L'élévation conserve globalement le schéma imposé par Goubert : un rez-de-chaussée, un entresol et deux étages, le premier répondant à un balcon filant, mais la façade ouest compte six travées au lieu des cinq préconisées. Le bâtiment a toutefois évolué au fil du temps et s'est écarté du modèle initial : le comble à toit brisé empêche une couverture inclinée à 45°, et l'exhaussement de la chaussée a entraîné la suppression de l'entresol parce que la hauteur du rez-de-chaussée ne permettait plus d'absorber la modification — évolution partiellement comparable à celle de l'hôtel Grou mitoyen, dont les hauteurs d'étage sont plus importantes. Le balcon du premier étage présente un garde-corps en fer forgé et un socle en granit soutenu par des consoles sculptées. La partie sud de la façade ouest s'achève en amorce vers le bâtiment mitoyen alors projeté, continuité qui ne sera pas suivie lors de la construction de l'hôtel Grou entre 1747 et 1752.
Comme pour les autres immeubles du lotissement, les murs de façade et les murs mitoyens reposent sur des pilotis de chêne, tandis que les murs de distribution intérieure et les refends s'appuient sur une grille ou radier, système attribué à l'architecte Pierre Rousseau. Malgré ces techniques de fondation, les immeubles présentent des jeux dès l'élévation des murs et les façades de la maison Charron sont inclinées. L'édifice comporte également un décor sculpté visible à l'angle et à la porte d'entrée sur la place de la Petite-Hollande, ainsi que des supports de balcon travaillés et un mascaron représentant un visage africain.