Origine et histoire
L'hôtel de Lillebonne, situé au 14 rue du Cheval-Blanc à l'angle de la rue de la Source dans la Ville-Vieille de Nancy, est un hôtel particulier de style Renaissance construit au XVIe siècle. Il occupe l'emplacement d'une ancienne maison d'étuves attestée en 1531. L'édifice fut érigé pour Claude de Beauvau par l'architecte Nicolas La Hière en 1580, œuvre qualifiée d'époque de jeunesse de l'architecte. Claude de Beauvau, nommé à la cour du duc de Lorraine, fit démolir la maison en très mauvais état pour construire cet hôtel, appelé initialement hôtel de Beauvau. À son décès, son petit-fils Henri Ier de Beauvau hérita de la demeure, mais la vendit en 1621 au duc de Lorraine Henri II, qui la conserva dans le patrimoine ducal jusqu'en 1740. Henri II l'offrit d'abord à son fils naturel Henri de Bainville, qui l'échangea contre une maison en Ville-Neuve ; le second fils naturel du duc, Charles de Briey, y logea ensuite, et l'hôtel prit alors le nom d'hôtel de Malte. Les occupations françaises entre 1633 et 1663 ont entraîné une perte de renseignements sur les occupants successifs. Après la restauration du duché, Anne de Lorraine et son époux François-Marie, prince de Lillebonne, s'y installèrent, mais la princesse ne retrouva pleinement son hôtel qu'en 1699 ; à sa mort en 1720, sa fille Marie-Élisabeth occupe la maison par intermittence avant de la vendre en 1740. Entre 1740 et 1826, l'hôtel changea plusieurs fois de propriétaires et le nom d'hôtel de Lillebonne apparaît pour la première fois dans un acte de 1750. En 1826, la congrégation des Filles de la charité acheta l'ensemble pour compléter la « Maison de la Providence » : l'hôtel abrita alors la communauté des sœurs et une chapelle, d'abord au rez-de-chaussée puis transférée au premier étage. Au XXe siècle, le rôle social des sœurs diminua et leurs effectifs baissèrent, les contraignant à se défaire d'immeubles. La ville de Nancy acquit l'ensemble en 1972 ; il accueille aujourd'hui la MJC Lillebonne-Saint-Epvre et la Galerie Lillebonne. L'hôtel a été inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 15 mars 1944 pour sa façade sur rue, sa toiture et le puits de la cour.
Le bâtiment présente un plan presque carré d'environ quinze mètres de côté et un toit d'ardoises à quatre pans. Sa façade, dans le goût italianisant de la fin du XVIe siècle, illustre l'influence Renaissance répandue à Nancy à cette époque. Le portail étroit, large d'environ 1,40 m, est encadré de deux colonnes demi-engagées posées sur des stylobates d'1,50 m ; ces colonnes sont entourées de six couronnes de feuillage d'olivier superposées et portent de petits chapiteaux d'ordre ionique. Un entablement ionique, comportant une frise à palmettes et motifs floraux et une moulure d'oves sous la corniche, s'appuie sur ces chapiteaux ; un écusson rectangulaire flanqué de deux S contournés et surmonté d'un petit fronton en cintre brisé repose sur l'entablement. La porte à deux battants dissymétriques est surmontée d'un arc en plein cintre aux écoinçons sculptés de trophées militaires, avec une tête de femme en clef d'arc. Les fenêtres des deux premiers niveaux se distinguent par leurs larges proportions et portent chacune un fronton en cintre brisé à volutes, posé sur un cartouche ovalaire surmonté d'une palmette ; les ornements du premier niveau touchent le bas des fenêtres du niveau supérieur. Sur la façade donnant rue de la Source, l'entrée de l'ancienne chapelle, ajoutée par les sœurs, est couronnée d'un fronton de goût Restauration reposant sur des pilastres à petits chapiteaux ioniques et doté d'une clef d'arc ornée d'une tête d'ange ailée. Trois gargouilles en pierre sculptées de feuillages signalent les angles du toit.
L'accès se fait par six marches débouchant sur un court couloir au plafond sculpté ; au fond se trouve une porte de bois sculpté utilisée occasionnellement. L'accueil de la MJC, à droite, conserve un plafond d'époque à poutres apparentes à la française. L'escalier, sans doute l'élément décoratif majeur de la maison, est en pierre et construit sans mur d'échiffre : ses volées reposent sur des arcades retombant sur deux fins piliers de section carrée et des culs-de-lampe, dont les plafonds sont ornés d'entrelacs de bandes, de volutes, de rosaces et de feuillages ; arcs diaphragmes et culs-de-lampe sont richement sculptés et le garde-corps est en fer forgé au dessin sobre et élégant. Au premier étage, en face de l'escalier, la salle de réception, aujourd'hui salle de conférence, occupe toute la largeur du bâtiment et présente un très beau plafond aux poutres imposantes. Un couloir du rez-de-chaussée, décoré dans le même goût que l'escalier, conduit à la cour où se situe, à gauche, un puits en hémicycle voûté en cul-de-four, surmonté d'un fronton en cintre brisé à volutes et orné d'une tête de lion. L'hôtel de Lillebonne compte parmi les plus remarquables édifices Renaissance de Nancy, aux côtés du Palais ducal et de l'hôtel d'Haussonville. Enfin, il a servi de lieu de tournage pour certaines scènes du film Tous les soleils de Philippe Claudel.