Origine et histoire de l'Institution nationale des sourdes-muettes
L'Ancienne institution nationale des Sourdes et Muettes, située au 87 rue de l'Abbé-de-l'Épée à Bordeaux, est une école spécialisée qui a remplacé l'école pour les sourds de la ville. L'institution a été fondée en 1786 dans le quartier Saint-Seurin sous l'impulsion de l'archevêque Jérôme Champion de Cicé et confiée à Roch Ambroise Sicard, disciple de l'abbé de l'Épée ; Jean de Saint-Sernin en assura la direction par la suite. L'établissement, initialement mixte, a successivement occupé plusieurs locaux avant de s'installer en 1797 dans l'ancien couvent des Catherinettes, rue des Religieuses. Pendant la Révolution, un décret de 1793 plaça l'école « sous la protection spéciale de la nation ». À partir de 1804, les sœurs de Nevers furent chargées de l'éducation des filles tandis que les garçons étaient pris en charge par des maîtres et instituteurs. Jusqu'en 1834, des campagnes de travaux tentèrent d'améliorer des locaux souvent insalubres et exiguës, sans toutefois résoudre tous les problèmes de vétusté. En 1859, l'État mit fin à la mixité : toutes les filles furent regroupées à Bordeaux et les garçons envoyés à Paris, mesure motivée alors par la crainte de la transmission de la surdité. Les bâtiments insalubres furent démolis et, entre 1834 et 1860, Joseph-Adolphe Thiac proposa plusieurs projets de reconstruction ; le dernier dossier, modifié après le décret de 1859, aboutit à l'édification d'un nouvel établissement dont la construction débute en 1861 et s'achève sous la direction de l'architecte Labbé. L'ensemble, de plan quadrangulaire, occupe près de 13 000 m² et mesure 158 mètres sur 60 ; sa composition s'inspire des modèles de la Renaissance italienne avec un axe central autour duquel s'organisent des cours carrées. L'avant-corps central, de style éclectique, précède un porche monumental surmonté d'une statue de l'abbé de l'Épée réalisée par Louis-André de Coëffard, et l'entrée est encadrée de quatre médaillons représentant l'abbé de l'Épée, l'archevêque Champion de Cicé, l'abbé Sicard et Jean de Saint-Sernin. Un vestibule à colonnes mène à une chapelle axiale dont le cul-de-four du chœur fut décoré en 1865 par J. Villiet dans un style inspiré de Fra Angelico. Le sculpteur Coëffard a aussi gravé, sur les murs de la cour d'honneur autour de l'effigie de l'abbé de l'Épée, les signes de l'alphabet dactylologique disposés entre les baies, motif décoratif original parmi d'autres. Le bâtiment principal abritait la chapelle, la sacristie, la bibliothèque, les bureaux et services administratifs, des classes, un réfectoire et d'autres locaux pédagogiques et de pension. En 1940 l'édifice fut réquisitionné par les forces d'occupation allemandes ; après la guerre il servit de commissariat central, usage qui se développa progressivement entre 1949 et 1958, jusqu'au déménagement du commissariat en 2003 vers le quartier Mériadeck. L'institution redevenue mixte prit, en 1958, le nom d'Institut national des jeunes sourds et s'installa au château Laburthe à Gradignan. Les bâtiments bordelais ont été vendus par l'État dans le cadre de la mobilisation du foncier public en faveur du logement social ; un OPH girondin en est devenu propriétaire le 31 octobre 2014 et, en 2015, un jury a confié la maîtrise d'œuvre de la réhabilitation à un cabinet d'architectes bordelais. Le projet de reconversion prévoit logements, hôtel et une école, intégrant la rénovation du bâtiment ancien et la construction d'un bâtiment neuf dans l'ancien parking du commissariat. En 2016, des fouilles sur le site ont mis au jour une nécropole antique qualifiée « d'extraordinaire » par les spécialistes et peut-être liée à l'époque de la peste de Justinien. Le site a été inscrit au titre des monuments historiques en 2010.