Jardin archéologique de l'hôpital de Lisieux dans le Calvados

Patrimoine classé Vestiges Gallo-romain Thermes gallo-romains

Jardin archéologique de l'hôpital de Lisieux

  • 4 Rue de Paris
  • 14100 Lisieux
Jardin archéologique de lhôpital de Lisieux
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Crédit photo : Edouard Hue (EdouardHue) - Sous licence Creative Commons
Propriété de la commune

Période

Gallo-romain

Patrimoine classé

Vestiges gallo-romains du centre hospitalier (ensemble) (cad. BP 193) : inscription par arrêté du 22 septembre 1987

Origine et histoire du Jardin archéologique

L'ensemble des vestiges gallo-romains du Centre hospitalier de Lisieux constitue un jardin archéologique situé à proximité de l'hôpital Robert-Bisson, où sont visibles les restes d'un édifice thermal et d'un édifice privé mis au jour lors de fouilles menées par Claude Lemaître entre 1978 et 1985. Les recherches ont permis de retracer l'évolution du quartier du Ier au IIIe siècle et de mettre au jour un décor peint d'une grande qualité, considéré comme un excellent témoignage de la peinture romaine en Gaule. La découverte initiale remonte à 1967, lors de travaux pour la chaufferie du nouvel hôpital, qui mirent au jour des vestiges importants mais non préservés, à l'exception de deux autels et d'éléments sculptés relevés lors d'interventions d'urgence. Des sondages et fouilles complémentaires furent réalisés dans les années 1970 et 1980, avec le soutien de l'Association pour les fouilles archéologiques nationales et des autorités locales ; les enduits peints confiés au centre de Soissons ont permis d'identifier près de vingt-cinq panneaux après le tri d'environ dix tonnes de gravats. Le site, aujourd'hui aménagé en jardin public peu fréquenté, voit ses murs consolidés et les emplacements des pièces des thermes matérialisés par de faibles haies.

Implanté à la limite orientale de la cité antique de Noviomagus Lexoviorum, à la charnière entre habitat dense et campagne, le quartier était proche du decumanus maximus et alimenté par deux aqueducs semi-enterrés. L'occupation débute par un habitat ténu au début du Ier siècle ; la villa est édifiée à la fin du Ier siècle, tandis que le bâtiment transformé en thermes est construit au début du IIe siècle, sur un secteur qui avait connu un artisanat métallurgique attesté par la présence de mâchefer. La villa privée, qui pouvait comporter un étage et une cinquantaine de pièces, n'a été dégagée intégralement que pour huit salles, dont trois ont livré un décor peint.

Un premier groupe de salles comprend deux cuisines — l'une à sol de terre battue avec un four bien conservé, l'autre dotée d'un foyer sur soubassement et peut‑être d'un tourne-broche — et deux pièces de réception richement décorées, l'une présentant un motif de poissons sur fond bleu et un sol maçonné de dalles calcaires, l'autre chauffée par hypocauste avec un plafond voûté peint de cercles à motifs floraux. Le second groupe comporte une cuisine livrant des déchets culinaires (coquilles d'huîtres, moules, arêtes), une grande pièce au sol calcaire aux murs inférieurs peints en rouge vif, et une petite salle hypocaustée ornée de fleurs et d'arcatures, où fut également trouvé un fragment de sculpture en forme de queue d'animal marin.

L'édifice thermal, initialement destiné à l'habitation, fut transformé en thermes — peut‑être par évergétisme ou pour ouvrir une installation privée — et présente, dans son dernier état, une division sexuée des espaces selon le modèle des thermes doubles. Étudié sur environ 1 300 m2, le complexe s'organise selon un plan rayonnant résultant d'aménagements successifs et s'ouvre sur une palestre de 165 m2 encadrée par un portique et un aqueduc ; l'ensemble était entièrement peint, ce qui a aidé à restituer élévations, niches et voûtes. Les thermes féminins ne suivent pas le schéma classique frigidarium‑tepidarium‑caldarium mais s'organisent autour d'une petite cour ; quinze pièces ont été identifiées, dont une piscine froide à deux niveaux, un caldarium, un præfurnium et un tepidarium richement décoré.

La piscine froide, aménagée dans une ancienne cour, possédait une évacuation par caniveau en bois et une disposition favorisant une double circulation ; une autre salle de 6 m2, aux murs et au sol recouverts de marbre blanc et vert, pourrait avoir servi de seconde piscine. Le caldarium, d'une superficie de 19 m2, conserve une voûte portant l'empreinte de tubulures, un sol en suspensura avec dalles de calcaire et fragments de marbre vert et mauve, ainsi qu'un décor peint de fleurs et de motifs géométriques et des placages de marbre. Le præfurnium, installé à l'angle nord‑ouest du tepidarium, s'ouvrait sur une cour de service, tandis que le tepidarium lui‑même, aménagé dans un ancien frigidarium et chauffé par hypocauste, mesure entre 60 et 80 m2 ; il a été remanié dès la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle et présentait des peintures couvrant environ 300 m2, dont 90 m2 retrouvés. La partie masculine des thermes, mal connue en raison d'une destruction médiévale, a livré néanmoins des vestiges d'une salle froide d'au moins 80 m2, d'une petite piscine chaude, de plusieurs hypocaustes endommagés et de décors peints géométriques et végétaux.

Le décor peint constitue l'un des intérêts majeurs du site : la villa a livré une fresque de poissons sur fond bleu, traitée de façon originale et conservée sur une surface de 2 m sur 0,60 m, tandis que le couloir de la maison, long d'au moins six mètres et haut d'environ quatre mètres, présentait un faux-marbre polychrome en partie basse et des panneaux sur fond blanc ornés de colonnettes stylisées. Dans le tepidarium des thermes féminins coexistent deux systèmes décoratifs superposés — un soubassement imitant le marbre et un registre supérieur figuré — comprenant figures humaines, animaux et végétaux ; plusieurs personnages, dont des figures féminines munies d'attributs, ont été interprétés comme les Muses, la scène étant encadrée par pilastres et arcatures. D'autres fragments, parfois très partiels, représentent des corbeilles de fruits et des oiseaux, éléments peut‑être indépendants de la scène mythologique principale ou évoquant un jardin peuplé d'oiseaux.

La qualité et l'organisation des peintures, qui associent panneaux figurés et imitations de placages marbrés, ont conduit à proposer une datation à la charnière des IIe et IIIe siècles et à rapprocher le décor d'un renouveau des grands sujets mythologiques attribué à l'époque sévérienne. Le complexe thermal, daté du premier quart du IIe siècle et modifié ensuite, semble avoir été détruit par un incendie daté des années 268‑280, après quoi il n'a pas été reconstruit ; Claude Lemaître évoque un lien possible avec les troubles des années 275‑276. Des monnaies des IIIe et IVe siècles ont été trouvées dans les couches de destruction et une occupation postérieure du secteur est attestée par l'installation d'un atelier de tailleurs de pierres et par l'utilisation des vestiges comme carrière du IVe au moins jusqu'au XIVe siècle. La villa, née à l'époque flavienne sur un habitat julio‑claudien antérieur, connaît un apogée aux Ier et IIe siècles puis un abandon progressif avant la fin du IIIe siècle, ses dernières traces d'occupation étant marquées par deux monnaies de Postume ; elle fut finalement arasée pour constituer le glacis de l'enceinte du Bas‑Empire. Le site demeure l'ensemble d'habitat gallo‑romain le plus important connu à Lisieux et conserve des témoignages précieux de la peinture murale romaine en Gaule.

Liens externes