Origine et histoire de La Chaire-à-Calvin
L'abri de la Chaire-à-Calvin, dit aussi La Rochandry ou la Papeterie, est un abri sous roche creusé par la Boëme en forme d'exèdre, situé à environ 10 km au sud d'Angoulême et à 500 m à l'ouest du centre de Mouthiers-sur-Boëme, dans la vallée du Gersac. Le rocher forme une plateforme d'où Jean Calvin aurait prêché en 1533-1534. Le site est remarquable pour une frise sculptée monumentale du Paléolithique supérieur attribuée au Magdalénien moyen et visible in situ. Cette frise, découverte par Pierre David en 1926-1927 et longue de trois mètres, représente, de gauche à droite, un bovidé sans tête, un équidé au ventre gravide et une scène d'accouplement de chevaux; elle présentait des traces de couleur rouge-orangée lors de sa mise au jour. Reconnu comme site préhistorique dès 1864, l'abri a fait l'objet de fouilles successives, notamment en 1924, 1960-1961 et 1966, et il a été classé monument historique le 11 août 1986. L'abri s'ouvre dans une falaise et mesure environ 8 m de large, 4 m de haut et 5 m de profondeur. Les fouilles ont livré des séquences sédimentaires décrites de façons variables par différents chercheurs, allant de trois à neuf unités stratigraphiques selon les auteurs. Denise de Sonneville-Bordes a distingué six couches, caractérisées par des alternances d'argile plus ou moins riche, de blocs et d'éboulis et par la présence ponctuelle de charbon d'os et de plaquettes. D'autres interprétations décrivent un remplissage en trois grandes étapes : un dépôt de débris calcaires lié au creusement de l'abri, un colluvionnement et un éboulis mêlés à des limons éoliens à la fin du Pléniglaciaire — associé à un cryosol corrélé à l'événement de Heinrich 1 —, puis un talus de colluvions à l'entrée recouvrant une seconde période d'occupation. Cette séquence est précieuse pour suivre les fluctuations climatiques de la fin du dernier cycle glaciaire et pour situer chronologiquement les niveaux d'occupation. L'ensemble des industries lithiques est attribué au Magdalénien, bien que les auteurs aient proposé des subdivisions différentes au sein de cette période. Les burins, principalement dièdres, sont plus nombreux que les grattoirs; on trouve également des burins transversaux, nucléiformes et d'angle ainsi que quelques pièces tronquées denticulées. Les grattoirs sont le plus souvent simples et réalisés sur lames non retouchées; certains outils sont composites, mêlant burins et grattoirs ou associant becs et lames tronquées. Les petits outils sur lamelles comportent majoritairement des lamelles à dos abattu et quelques microlithes tels que triangles scalènes, segments de cercle et microburins, dont la répartition varie selon les couches. L'étude a livré aussi des éléments atypiques : fragments interprétés comme feuilles de laurier ou pointes à cran solutréennes recueillis dans des couches sans signe de remaniement, ce qui a conduit les auteurs à proposer qu'ils provenaient d'un site voisin. Parmi les objets en roche non siliceuse, un galet ovoïde taillé a été interprété comme godet à couleurs ou lampe. L'industrie osseuse comprend aiguilles, sagaies à fût cylindro-conique ou quadrangulaire, perçoirs, brunissoirs et quelques pointes et harpons; Sonneville a signalé un harpon à deux rangs de barbelures. On a également mis au jour des éléments de parure (pectens, dents percées), des plaques gravées et un collier de coquillages assorti de perles en stéatite, témoignant d'échanges. Pierre David a mis au jour, dans la couche 4, les traces de quatre foyers distincts accompagnés de nombreux galets, de silex et d'os brûlés. Le bestiaire du site est dominé par l'antilope saïga, présente dans toutes les couches; on y trouve aussi des os de cheval et de grand bovidé dans l'ensemble des niveaux, et du renne dans toutes les couches sauf la sixième. L'hydrontin apparaît dans les couches 1 et 3, le renard dans les couches 5 et 6, et la couche 5 a livré en outre des restes de lièvre et de cerf élaphe. Des restes de saïga découverts dans la couche 6 ont donné une datation d'environ 16 000 ans BP; Pierre David mentionne aussi la présence occasionnelle de loup, de rhinocéros, de castor, ainsi que de petits mammifères et d'oiseaux. Les vestiges humains sont rares : une molaire découverte en 1933 dans un niveau magdalénien a été perdue depuis. L'abri conserve ainsi une documentation archéologique et paléoenvironnementale riche, associant une frise sculptée exceptionnelle, une industrie magdalénienne variée et une faune multiple qui permettent d'aborder les occupations humaines et les conditions climatiques de la fin du Pléistocène.